Le roi dit nous voulons

Et Emmanuel Macron, en toute fausse modestie, aussi. Je laisserai aux spécialistes autoproclamés le soin d’analyser le contenu du discours délivré par le chef de l’état ce dimanche soir, urbi et orbi, auquel il est difficile d’échapper, tant il monopolise les antennes, comme au bon vieux temps de l’ORTF. Je préfère m’attacher pour cette fois à la forme. Je ne l’avais pas remarqué auparavant, mais l’adresse du chef de l’état a été précédée du titre : « déclaration du président de la République » et non « allocution » comme autrefois.

Une déclaration, qu’elle soit d’impôt ou d’amour, se place du point de vue de celui qui l’exprime, tandis que l’allocution met l’accent sur ceux qui l’écoutent. Dans l’antiquité, elle désignait la harangue d’un général ou d’un empereur à l’intention des soldats. Étonnamment, Emmanuel Macron semble avoir abandonné la métaphore militaire qui lui avait servi à dramatiser le début de l’épidémie pour mieux assoir une autorité dont il paraissait douter lui-même. La guerre a disparu, sans que l’on sache si elle a été gagnée, ou s’il s’agit seulement d’un cessez-le-feu, voire d’un armistice. Le président, dans son discours, a beaucoup utilisé le « nous », notamment pour congratuler les Français en les félicitant de leur discipline. Il fallait comprendre évidemment qu’il s’incluait dans le satisfécit, laissant entendre que sans leur général et la sagesse de ses décisions, la piétaille soldatesque n’aurait pas pu remporter la bataille. Ce nous doit être entendu comme un moi, une façon élégante de ne pas se mettre en avant tout en faisant bien comprendre son mérite. S’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un nous de majesté, il en remplit les fonctions en insistant sur le côté « premier entre ses pairs » propre à sa théorie des « premiers de cordée ». D’ailleurs, quand il veut s’adresser spécifiquement aux Français, notamment pour les rappeler à leur devoir ou leur demander des efforts, il repasse au « vous », dans lequel il ne s’inclut pas.

Selon les sujets, il utilise quand même parfois le « je », par exemple pour exprimer sa compassion à l’égard des personnes frappées par l’épidémie. Mais l’on sent bien, pour paraphraser Rimbaud, que ce je-là est un autre et n’exprime qu’une émotion de façade, une figure imposée. Comme souvent, Emmanuel Macron se sort avec aisance de l’exercice de style. Il distribue les bons points sans oublier de s’en décerner quelques-uns au passage. Il notifie les bonnes nouvelles, en laissant le soin à ses troupes d’organiser une intendance qui s’annonce compliquée. Il effleure les sujets difficiles sans les traiter, comme il en a pris l’habitude désormais, et remet la clarification politique à des jours que l’on espère meilleurs. Un discours creux, donc, sinon vide.

Commentaires  

#1 jacotte86 15-06-2020 11:51
plus jupiter que jamais ... certains oubliés de ses projections de l'avenir, les jeunes entre autre ne lui pardonnerons pas j'espère quand ils auront leur mot à dire
Citer