Le génie français
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 26 mai 2020 10:33
- Écrit par Claude Séné
Nous avons toujours eu, en France, une certaine propension à complexifier les choses les plus simples sous un fatras de réglementations et de dispositions administratives complexes semblant exclusivement destinées à empêcher ou à retarder toutes dispositions. Combien de lois, péniblement discutées au cours de débats parlementaires acharnés, et parfois arrachées aux forceps, sont restées dans un oubli miséricordieux, faute de décrets d’application permettant leur mise en œuvre effective ? Cette heureuse disposition d’esprit qui semble caractériser notre nation a cependant été élevée au rang de l’un des beaux-arts par le pouvoir actuellement aux manettes de la France.
Le Premier ministre vient en effet d’inaugurer ce que l’on a appelé pompeusement le « Ségur » de la Santé, destiné à lancer une exploration des problématiques de l’hôpital public et des services de soins en général. L’objectif est visiblement de gagner du temps en donnant l’impression de répondre sans délai à la nécessité impérieuse de revaloriser les carrières de Santé en entamant de nouvelles discussions, baptisées « concertations » sans qu’elles apportent plus de garanties sur leurs résultats que les parlottes précédentes telles que le fameux grand débat. On a pris l’habitude de donner le nom de « Grenelle de » à tout et n’importe quoi quand le pouvoir du haut se rend brusquement compte qu’il a besoin des soutiers qui alimentent les foyers à fond de cale et qu’il ne peut rien faire sans eux. Malheureusement, le seul véritable « Grenelle » a été celui de 1968 et le moule semble cassé depuis. À l’époque, le pays connaissait une période troublée, pudiquement désignée sous le nom d’évènements, en réalité une situation insurrectionnelle qui aurait pu déboucher sur une véritable révolution sans le soutien du général Massu à son collègue désemparé, à deux doigts de la démission.
Il me semble que les revendications du personnel soignant sont connues, depuis le temps qu’ils les expriment, et qu’il n’est pas nécessaire de perdre encore du temps, au lieu de passer directement aux négociations avec les intéressés, comme lors des accords de la rue de Grenelle, où le gouvernement de l’époque avait concédé des avancées majeures, notamment par l’augmentation massive du SMIG. Dans l’hôpital aussi on attend des reconnaissances sonnantes et trébuchantes plus que de nouvelles promesses, des médailles et des applaudissements. Et ça urge ! Une autre spécialité française consiste à octroyer des soi-disant compensations pour justifier de ne pas donner leur dû à ceux qui ont le mauvais goût de réclamer. C’est ainsi que le gouvernement voudrait revenir sournoisement sur les 35 heures, un sujet dont il est le seul à vouloir parler, « sans tabou », comprenez sans vergogne, pour grignoter au passage les heures sup dont il ne sait que faire. Chassez le naturel…