Vol d’oiseau

Vous connaissez la dernière lubie du gouvernement, qui consiste à tolérer les déplacements des Français dans la limite purement arbitraire de 100 kilomètres autour de leur domicile. Pourquoi pas 120, ou 90 ? Mystère. Peut-être parce que ça sonne bien, c’est un chiffre rond. Un peu comme la règle des trois pour cent de déficit public autorisés par le traité de Maastricht, dont tout le monde s’accorde désormais à reconnaître qu’elle ne reposait sur aucune justification économique et que la crise actuelle va reléguer aux oubliettes sans dommage pour quiconque, excepté les idolâtres de la rigueur.

Immédiatement, la question s’est posée du mode de calcul de cette fameuse distance de 100 kilomètres. S’agissait-il du trajet le plus court, de la distance officielle séparant deux villes, du parcours emprunté en train, en voiture ou en avion ? Le gouvernement a dû trancher et a retenu la distance « à vol d’oiseau », s’attirant immédiatement l’incompréhension de la maréchaussée dont un des représentants, interrogé sur le sujet, a demandé qu’on lui en explique le sens exact. À la réflexion, le pandore n’a pas tort. Rien ni personne n’empêche un oiseau de faire des détours, si ça lui chante, et même les pigeons voyageurs, qui sont réputés trouver leur chemin en toutes circonstances, ne sont pas équipés d’un GPS. Sur quelle base le gendarme devra-t-il s’appuyer pour dresser ou non procès-verbal ? Bien sûr, le professeur de géométrie qui sommeille en vous et que la nécessité de l’enseignement à distance a peut-être réveillé vous soufflera qu’il suffit de prendre un compas et de tracer un cercle de 100 kilomètres de rayon sur la carte de France pour déterminer si le contrevenant potentiel est bien dans les clous, comme les chaussures du verbalisateur.

Et c’est là que le bât blesse. À ma connaissance, l’équipement standard des forces de l’ordre ne comprend pas de compas, dont on ne voit pas trop l’utilité en dehors de ce cas de figure, destiné à disparaitre à plus ou moins brève échéance. Qu’à cela ne tienne. Chacun sait qu’en plantant un piquet, relié à un autre au moyen d’une corde, on peut tracer un cercle très acceptable, pour faire un parterre circulaire dans son jardin par exemple. Cette méthode peut être transposée pour vérifier la légalité du déplacement de l’individu, comme on appelle le citoyen en langage maréchaussien. Et cette image du Français attaché à son piquet comme une chèvre, dont la corde lui permet de brouter uniquement dans un espace délimité, me parait résumer toute la confiance du pouvoir en la maturité de la population. Ne cherchez plus de justification à cette règle apparemment absurde. Le pouvoir le fait, parce qu’il le peut. Et parce qu’il souhaite que le citoyen ne se sente pas trop libre, car il ferait, naturellement, n’importe quoi.

Commentaires  

#1 jacotte86 22-05-2020 11:49
et comme la petite chèvre de monsieur Seguin si tu dépasses ta limite... le loup te mangera
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