L’hôpital et la charité

Aujourd’hui peut-être, ou alors demain… les primes promises aux soignants seront versées en mai. Ou en juin. À condition que les décrets soient publiés. On n’imagine pas le temps nécessaire à un ministre pour apposer un paraphe sur un texte officiel. Certaines personnes semblent devoir s’exercer à faire une page de bâtons avant d’être capables de signer leur nom. Nos ministres sont surdiplômés, mais ne semblent pas plus rapides que les analphabètes. Heureusement que les infirmiers, infirmières, aides-soignantes, médecins, et jusqu’aux métiers obscurs qui ont permis à la société de survivre n’ont pas autant tergiversé pour faire leur travail avec un dévouement admirable.

Pour leur faire prendre leur mal en patience, le gouvernement a encore fait des annonces. Le 14 juillet prochain sera l’occasion de rendre un hommage solennel à tous ceux qui auront participé à la lutte contre l’épidémie. Emmanuel Macron va ressusciter la médaille d’honneur des épidémies tombée dans l’oubli et la désuétude depuis 1962, après avoir récompensé les vaillants soignants du choléra au 19e siècle. Personne n’aura rien contre, j’imagine, mais ces hochets, selon l’expression napoléonienne, ne remplacent pas une reconnaissance réelle des personnes concernées. Voilà bien longtemps que l’hôpital, notamment, demande des moyens effectifs et sérieux de fonctionner et non pas l’aumône. Je ne sais pas comment qualifier autrement l’initiative de députés de la majorité, qui a reçu le soutien officiel de la ministre du Travail, consistant à appeler les Français au don de jours de congé ou de RTT en faveur des personnels soignants. C’est ce que l’on appelle être généreux avec de l’argent qui ne vous appartient pas. C’est Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, qui a inventé le concept en instituant une « journée de solidarité » initialement prévue le lundi de Pentecôte, pour faire travailler gratuitement les Français et verser le fruit de leur labeur dans le trou sans fond de la dépense sociale.

S’il faut donner son argent, allez donner le vôtre, vous êtes bon apôtre, aurait chanté Boris Vian dans une adaptation moderne du déserteur. Cette forme de charité, octroyée par la coterie au pouvoir, a tout du foutage de gueule. C’est une charité qui se moque de l’hôpital. Mais le procédé a des limites. À force de mépriser ceux qui ne sont rien, on les pousse au désespoir, comme dans la crise des gilets jaunes. Je revois une scène de Notre-Dame de Paris, dans l’adaptation de Delannoy en 1956, où Clopin Trouillefou, le chef de la Cour des Miracles, génialement interprété par Philippe Clay, terrorise les passants en leur réclamant d’un ton menaçant « la charité ». Aucun des bourgeois n’ose lui refuser ce qu’il réclame au vu de sa tête presque patibulaire. Faudra-t-il en arriver là ?

Commentaires  

#2 Eve 57 14-05-2020 17:47
J'espère que ce jour là nous serons nombreux , quel que soit notre âge! !
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#1 jacotte86 14-05-2020 11:20
trop c'est trop...a force de tirer sur "l'élastique" il finira bien par casser ! en tout cas je le souhaite de tout mon cœur et surtout de toute ma colère... juré promis malgré mon âge ,je serai dans la rue quand il le faudra
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