Les occasions perdues
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 29 avril 2020 10:52
- Écrit par Claude Séné
Après les Paradis perdus chantés par Christophe, emporté par le virus, le discours d’Édouard Philippe signe la dramatique attitude du pouvoir qui a encore raté l’occasion de faire front commun devant l’adversité et qui persiste dans l’infantilisation des sujets au lieu de faire appel à leur mobilisation. Il y a deux versions de ce paternalisme. La version père Noël que se réserve le président de la République, avec sa hotte de chômage partiel, de primes diverses et variées, d’indemnisations et de discours rassurants, et la version père Fouettard, incarné par le Premier ministre, prêt à confisquer les jouets si l’on ne se tient pas bien.
Après des mois de tergiversations sur l’utilité des masques, on se décide enfin à recommander le port de tous types de protection, y compris les masques en tissu, réutilisables. C’était une formidable occasion de mobiliser les énergies dans le sens d’une entraide pour protéger le maximum de Français et agir concrètement au lieu de se morfondre dans son chez-soi. Le 1er février 1954, un certain Abbé Pierre lançait un appel à la radio, qui commençait par ces mots : « mes amis, au secours… » Il demandait à ses compatriotes de lui apporter des couvertures, des tentes et des poêles pour sauver les sans-abri. Non seulement les Français allaient répondre à sa demande, mais la plupart des foyers allaient se lancer dans la confection de couvertures en laine, soit en détricotant des vieux pulls, soit en achetant des pelotes neuves. Le principe était très simple. Il s’agissait de fabriquer des carrés de dix centimètres de côté, qui seraient ensuite assemblés pour confectionner des patchworks. Moi-même, j’avais à peine 10 ans à l’époque, et je ne savais pas tricoter, mais j’avançais le travail en montant le premier rang des fameux carrés.
Il aurait sans doute fallu une personnalité incontestable comme l’Abbé Pierre pour fédérer les bonnes volontés. Car l’aspect réconfortant de la crise que nous traversons, c’est que de nombreux compatriotes ont cherché à se rendre utiles dans leur petite sphère d’influence. Des couturières, certaines aguerries, d’autres débutantes, se sont mises à la fabrication de masques en suivant des modèles diffusés sur Internet. Des initiatives en tous genres ont fleuri, et je n’oublie pas ceux qui ont cherché à distraire en ces temps difficiles, soit en proposant des divertissements artistiques, tels ces concerts improvisés aux balcons des grandes villes, ou ces vidéos diffusées sur les réseaux vilipendés par le Premier ministre, soit en faisant circuler des blagues humoristiques pour se presser d’en rire de peur d’être obligé d’en pleurer. Je ne peux pas résister au plaisir de vous en donner un exemple, pêché sur Twitter : « tout est prêt pour le 11 mai, il ne reste plus qu’à fixer la date ! »