Mascarade

C’est donc aujourd’hui que le Premier ministre va dévoiler le plan du gouvernement pour organiser la sortie du confinement, annoncée par le président de la République pour le 11 mai prochain. Alors que rien ne l’y oblige, il prononcera son discours devant les députés, qui sera suivi d’un court débat et d’un vote. Énoncée de cette manière, la procédure apparait comme parfaitement démocratique, alors qu’il ne s’agit en réalité que d’un simulacre, une formalité ne recouvrant aucune démarche collective réelle, impliquant une adhésion importante de la population, qui reste très méfiante sur les modalités, bien qu’approuvant et attendant impatiemment la levée des contraintes les plus difficiles à supporter.

Les partis d’opposition ont fait observer à juste titre que le temps de réflexion était insignifiant, et ce, d’autant plus que les députés ne seront pas autorisés à être présents physiquement dans l’hémicycle, seuls 75 d’entre eux seront là. Le texte ne sera pas non plus soumis aux travaux d’une commission parlementaire, et les groupes devront recueillir l’avis de leurs membres dans l’instantanéité de la séance. L’objectif du gouvernement est clair : il s’agit de forcer la main de l’Assemblée nationale en la consultant pour la forme, et en lui mettant un marché impossible en main : soit approuver aveuglément le gouvernement, quelles que soient les réserves que chacun pourrait légitimement avoir, soit le rejeter au risque de paraitre sectaire ou même de travailler contre l’intérêt général. C’est Aurore Bergé, elle-même députée de la majorité, qui a résumé la procédure en parlant d’un « vote de confiance », pour ou contre le gouvernement, avant même de connaître le détail des mesures. À ce compte-là, on pouvait faire voter les députés avant le discours d’Édouard Philippe, ou même ne pas les faire voter du tout, ce qui aurait peut-être arrangé certains élus LREM, qui ne souhaitent pas le traçage des Français par le biais de leur téléphone.

Cette démarche s’apparente à une formalité sociale qui consiste à demander « comment ça va ? » à son interlocuteur en se moquant bien de connaître la réponse, qui ne peut qu’être : « bien, merci » à moins d’être un intime qui pourrait se permettre de détailler ses problèmes de santé sans paraitre exagérément plaintif ou hypocondriaque. J’ai même connu un brave garçon qui inversait le cours des choses en saluant toutes ses connaissances d’un « et toi ? » avant même qu’on lui pose la question. Le point est donc de savoir, si, en notre âme et conscience, par le truchement de la représentation nationale, nous faisons confiance à ce gouvernement pour mener à bien la sortie de la crise sanitaire. Pour parler franchement, si nous avions le choix, nous répondrions sans doute non. D’ailleurs, les derniers sondages montrent que les Français ne se font guère d’illusions sur ce point. Mais il faudra bien s’en contenter.