L’auberge de ma jeunesse…

Se trouvait boulevard du Pont Joubert à Poitiers dans une modeste maison.

Affiliée à la FUAJ, adhérant elle-même à Hostelling International (HI), regroupant plusieurs fédérations d’auberge de jeunesse, œuvre caritative ayant pour mission à travers les voyages, de permettre une meilleure compréhension des cultures pour créer un monde plus intelligent, plus tolérant.

Elle accueillait en permanence, en plus des passagers occasionnels, une vingtaine de jeunes de tous horizons, étudiants, lycéens, ouvriers, qui trouvaient là un lieu chaleureux pour échanger, partager, se divertir, se cultiver…

 C’est ici que jeune collégienne, avec mes deux sœurs jumelles, introduites par ma grande sœur normalienne, qui, avec quelques-uns de ses camarades, en était le pilier, j’ai fait l’apprentissage des valeurs qui resteraient essentielles dans ma vie.

Raymonde, la mère aub, comme on l’appelait, était chargée de l’accueil des voyageurs, et Roger, bénévole, à qui je ne peux plus hélas faire part de ma gratitude, se chargeait de l’animation des permanents.

On se retrouvait aussi bien pour déguster un chocolat chaud, préparé dans la cuisine sommaire, que pour y faire du théâtre, chanter, beaucoup chanter, échanger des idées, rire, pleurer aussi, vivre dans une communauté où régnait la confiance et la solidarité.

Dans la mixité de nos horizons, on découvrait la musique classique, ou nos chanteurs préférés, Yves Montand, Reggiani, les choix étaient éclectiques, on échangeait nos lectures, on parlait cinéma…

Les week-ends étaient parfois destinés à des activités de plein air qui nous obligeaient à quitter Poitiers. Notre seul moyen de transport pour se rendre sur les lieux d’activités, c’était notre pouce… Par équipes de deux, il fallait nous débrouiller sac au dos, pour arriver là où l’on avait prévu la sortie. J’ai en mémoire un trajet épique dans une bétaillère à cochons.

La sortie royale, c’était au vieux moulin de Massugeon, au sud de la Vienne au bord de la Gartempe, dans un décor sublime. Peu nous importait que le plancher soit prêt à s’effondrer, on y vivait un week-end de communauté, apprenant à être responsables, faire les courses, préparer les repas, en attendant la veillée. C’est grâce à Roger et à ses initiatives que tout cela était possible, il a même réussi à nous faire découvrir la montagne, dans un séjour inoubliable au Mont-Dore. C’était magique, ces prairies fleuries, ces ruisseaux qui serpentaient partout, ces sommets qui nous entouraient, jamais vus que par image… une sacrée ouverture sur le monde !

Les liens tissés entre tous les ajistes de cette époque sont restés indéfectibles, et ceux qui n’ont pas quitté le pays se sont toujours retrouvés dans les occasions importantes, quelques-uns ont poussé l’amitié assez loin pour y trouver leur conjoint !

Cette vieille maison presque insalubre, où nous nous sommes émancipés, était le seul lieu laïc qui nous était proposé pour faire nos expériences, sur la base de valeurs élémentaires, de tolérance, de partage, de solidarité…

Les auberges de jeunesse* existent toujours, je parle de celles qui, adhérant à la FUAJ, sont affiliées à HI et fonctionnent en association loi 1901. Il y en a 160 en France, 130 000 adhérents, 4000 dans le monde, on compte 4 millions d’adhérents dans 80 pays. Elles sont à l’initiative de rencontres internationales en partenariat avec l’UNESCO par exemple, pour développer la citoyenneté dans un dialogue interculturel.

*À ne pas confondre avec les auberges de jeunesse du même nom, ouvertes par de grands groupes hôteliers qui n’ont pour objectif que le profit… HI se bat pour leur interdire d’avoir la même enseigne.

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#2 Isabelle 05-01-2020 12:12
J'adore lire tes souvenirs, cela me fais faire comme un voyage, je m'y croirais presque. Merci pour tes belles histoires!
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#1 Claude 05-01-2020 10:15
Ces auberges de jeunesse, comme l'auberge espagnole, étaient riches de leurs participants. On retrouve un peu de cet esprit dans les programmes Erasmus, réservés, hélas, à des jeunes souvent issus de milieux assez aisés, contrairement aux AJ qui permettaient un brassage social.
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