Une seule tête

Je ne veux voir qu’une seule tête, sous-entendu, la mienne est en substance le message délivré par Emmanuel Macron lors du dernier Conseil des ministres. Le destinataire de cet avertissement n’était autre que Jean-Paul Delevoye, ancien Haut-Commissaire à la réforme des retraites, récemment promu ministre auprès d’Agnès Buzyn, mais qui était absent. Un absent terriblement présent après sa sortie sur l’éventualité de la mise en place d’une clause dite du « grand-père » pour la réforme à venir, très moyennement appréciée par le chef de l’état.

Emmanuel Macron veut avoir les coudées franches. Dans la plus pure tradition du fameux « je décide et il exécute » lancé en 2004 par le président Chirac à l’adresse de son Premier ministre de l’époque, Nicolas Sarkozy, Macron veut ainsi resserrer les boulons. En la personne d’Édouard Philippe, il n’a pas à craindre de conflit de souveraineté. C’est d’ailleurs la principale raison qui l’a fait le choisir et ce qui explique pourquoi il le gardera aussi longtemps que ce sera possible. Il attend de ses ministres la même obéissance sans faille. Non seulement il leur est interdit d’exprimer la moindre divergence sur les positions actuelles ou passées de leur chef, mais également sur les orientations qu’il pourrait être amené à prendre. Dans le conflit miné sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron veut visiblement se réserver une porte de sortie si les choses tournaient vraiment mal après les grèves du 5 décembre. Il veut pouvoir lâcher du lest sans perdre la face en reportant l’application du régime par points à un avenir lointain. Ici encore, c’est du fameux « en même temps » qui le caractérise dont il veut se servir pour défendre tout et son contraire.

Dès le mois d’octobre, Emmanuel Macron reconnaissait comprendre les salariés qui avaient été embauchés sur un contrat social incluant leurs droits à la retraite, et qui s’estimaient floués par le nouveau calcul. Et c’est bien le problème de cette réforme. Si le principe global de proportionnalité entre cotisation et niveau de pension peut paraître équitable, dès que l’on rentre dans le concret et le cas particulier de chaque salarié, on doit personnaliser et recréer des disparités qui rendent la réforme totalement illisible et entretiennent des inquiétudes sur leur propre sort pour des employés déboussolés. Cette réforme est très mal engagée, et le président le sait. Elle achoppe sur le principe même qui l’a incité à la mettre en place : l’équité. Les discussions risquent de s’enliser sur les points de détail concernant chaque cas particulier, alors que les inégalités les plus criantes dans les régimes de retraite ne sont que le reflet des disparités énormes dans le revenu des actifs. Là est le cœur de la question, dont un libéral comme Macron se gardera bien de se préoccuper.