![](/images/breton_assis.png)
Le miroir tunisien
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 17 septembre 2019 10:34
- Écrit par Claude Séné
![](/images/breton_assis.png)
L’élection présidentielle qui s’est déroulée en Tunisie dimanche dernier semble avoir délivré son verdict. Selon des résultats portant sur deux tiers des suffrages, les candidats qualifiés pour le deuxième tour seraient Kaïs Saïed et Nabil Karoui, qui se départageront dans un délai d’au moins 15 jours, cependant que des élections législatives se dérouleront également dans la même période, le 6 octobre. Les candidats arrivés en tête se présentaient tous les deux comme « anti système », ce qui semble devenu la condition sine qua non pour se présenter aux suffrages de ses concitoyens.
On peut dire que cette assertion est exacte dans la mesure où ces candidats sont, de façon différente, atypiques. Kaïs Saïed, dont le surnom, Robocop, exprime toute la rigidité, se présente comme candidat indépendant, ne se réclamant d’aucun parti. Il a des positions ultraconservatrices sur l’organisation de la société. Il défend la peine de mort effective, actuellement suspendue en Tunisie, il combat l’abrogation des textes condamnant l’homosexualité ou les couples non mariés, il se prononce contre l’égalité hommes femmes en matière d’héritage, sujet très sensible en Tunisie. Apparemment, cette image de père Fouettard, loin de le desservir, lui a acquis les votes refuges d’une partie de la population. On peut rapprocher ses positions de celles d’un Viktor Orban en Hongrie, par exemple. Son challenger est à l’exact opposé, puisque Nabil Karoui est un homme d’affaires, dans tous les sens du terme. Il est propriétaire d’une puissante chaine privée, et sa popularité lui vient d’actions caritatives développées dans des régions défavorisées, ce que ses adversaires qualifient de populisme, ou de clientélisme. Détail important, il a dû faire campagne depuis sa cellule où il attend son jugement dans une affaire de fraude fiscale et de blanchiment. Toute ressemblance avec une affaire française récente ne peut qu’être soulignée.
Avouez que ce serait cocasse, pour nous, et dramatique pour les Tunisiens, d’élire un président susceptible d’être condamné et destitué en cas de déchéance de ses droits civiques. Il pourrait même, en cas de condamnation entre les deux tours, être empêché de défendre ses chances et devoir laisser sa place au candidat arrivé en troisième position, Abdelfattah Mourou, qui représente le parti islamiste Ennahdha, grand perdant du premier tour. Si l’on ajoute à cela l’abstention estimée à 55 %, alors que la précédente élection présidentielle avait mobilisé 64 % des inscrits, on peut déplorer une grande méfiance envers les forces politiques traditionnelles. Je dis déplorer, parce que la « relève » ne semble pas apporter d’éléments vraiment novateurs et progressistes. La Tunisie nous tend ainsi un miroir dans lequel nous pouvons observer nos propres défaillances.