Divorce à l’italienne

Je sais, ce titre n’est pas original pour décrire la crise ouverte par Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur italien qui a décidé en plein été de dynamiter la coalition qui lui permet d’exercer le pouvoir conjointement avec le mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio. On a assez dit que l’attelage de la droite extrême de la Ligue, anciennement du Nord, et du populisme antisystème défendu par le M5S, ressemblait davantage à l’union de la carpe et du lapin qu’à un mariage d’amour. Ces deux-là, que tout oppose, ont contracté un mariage de raison, voire un mariage blanc.

Leur divorce est donc tout sauf une surprise. Mais ce sont les circonstances qui provoquent l’étonnement des observateurs. Poussons un peu la métaphore et filons la comparaison avec le film de Pietro Germi. Dans l’Italie puritaine des années 60, le divorce est purement et simplement interdit, car il s’agit d’un sacrement religieux. Seul le Pape peut autoriser exceptionnellement la séparation des époux, qui, sinon, doivent vivre ensemble jusqu’à ce que la mort les sépare. D’où le stratagème machiavélique ourdi par Marcello Mastroianni dans le film, qui consiste à jeter sa femme dans les bras d’un rival, afin de surprendre les amants et les tuer sous le coup d’une jalousie aussi fictive que dévorante. Un crime passionnel, donc, en apparence, qui ne devrait valoir à son auteur qu’une incarcération relativement brève. Dans le film, le gros souci du mari est de trouver un amant crédible. C’est ainsi qu’il doit renoncer à choisir un candidat potentiel après l’avoir entendu chanter à l’église l’Ave Maria avec une voix de haute-contre, semblable à celle d’un castrat.

Pour Matteo Salvini, la difficulté consiste à identifier la pomme de discorde devenue incontournable alors qu’il y a 14 mois il semblait filer le parfait amour et n’y attacher aucune importance. Le point d’achoppement choisi par le président de la Ligue, le prétexte retenu, sera donc le vote au Sénat sur le projet de ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin, soutenu par Salvini et massivement rejeté par le M5S, qui en a fait un cheval de bataille dans sa campagne législative. L’occasion est trop belle pour le nouvel homme fort italien, qui succède à une longue lignée de conservateurs réactionnaires, au premier rang desquels figure évidemment Berlusconi. Comme Mastroianni, il ne lui suffit pas de se séparer de ses anciens alliés, il veut les éliminer physiquement, afin d’exercer seul les responsabilités, et réclame donc les pleins pouvoirs, comme, avant lui, en 1922, un certain Benito Mussolini. Devant cette résistible ascension comparable à celle d’Arturo Ui dans la pièce de Berthold Brecht, le salut pourrait venir d’un réflexe de salut public. Salvini joue le « seul contre tous » ? Que les Italiens le prennent au mot.

Commentaires  

#1 jacotte 86 10-08-2019 11:52
même le pape s’inquiète de la montée de l’extrême droite e de ces procédés "fachiste" , c'est peu dire!!!
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