Tours de passe-passe

Le Premier ministre, Édouard Philippe, s’est adressé aux députés et aux sénateurs, pour tracer les grandes lignes de l’action du gouvernement pour ce qu’il a appelé, en écoutant la voix de son maître, l’acte 2 du quinquennat. Il y a d’ailleurs une forme d’humour involontaire dans cette dénomination qui rappelle que le mouvement de contestation des gilets jaunes s’est déroulé sur une trentaine d’actes et n’est d’ailleurs pas officiellement terminé. L’exercice est évidemment purement formel dans la mesure où le parti présidentiel dispose d’une majorité acquise d’avance à sa cause, quelle qu’elle soit.

Nous avons quand même été un peu étonnés d’apprendre que la République en Marche avait remporté les élections européennes en arrivant deuxième, et que les partis qui n’avaient pas recueilli au moins 13 % des suffrages n’avaient plus qu’à se taire à jamais, en oubliant que les trois quarts des Français qui se sont déplacés n’ont pas voté pour le parti du président, et que l’absence de second tour ne les a pas forcés à un vote contre nature. Cette fois, promis, juré, l’écologie sera au cœur du projet du gouvernement, qui reconnait pourtant revenir de loin sur le sujet et prendre conscience tardivement des enjeux que lui serinait constamment Nicolas Hulot jusqu’à ce qu’il jette l’éponge devant la nullité crasse de ses collègues. Pourquoi faudrait-il croire le Premier ministre cette fois-ci ? Je n’en ai pas la moindre idée.

Autre sujet sensible, l’âge de départ à la retraite. Il ne change pas. Enfin, sur le papier. L’âge légal reste fixé à 62 ans, mais il faudra attendre son 64e anniversaire, voire plus si affinités, pour en toucher l’intégralité. C’est l’âge « pivot ». C’est pas beau, ça ? C’est Bernard qui va être content, lui qui va sur ses 85. (Bernard Pivot, essayez de suivre, un peu.) Quant à l’âge réel de départ, il est autour de 63 ans et recule régulièrement, faute de revenus suffisants pour beaucoup de futurs retraités. Ou comment tenir une promesse de campagne en théorie tout en la sabordant allègrement en pratique.

Enfin, Édouard Philippe se veut le champion des baisses d’impôts et mélange joyeusement les genres en mettant dans le même panier toutes sortes de contributions. On m’a pourtant appris à l’école primaire que l’on ne pouvait pas additionner les carottes et les navets, excepté dans le pot-au-feu. Le Premier ministre compte l’ISF dans les baisses d’impôts, et y ajoute des mesures qui ne s’appliqueront, éventuellement, qu’après le quinquennat. Comme toujours, il y aura des gagnants et des perdants, et ceux qui en ont les moyens se paieront des conseillers pour les aider à gagner encore plus. Mais, Édouard Philippe l’a rappelé, « la justice sociale, c’est d’avoir du travail ». Bien payé pour les uns, mal pour les autres, ce n’est pas son problème.