Le complot Benalla

C’était trop beau pour être vrai. Un proche conseiller d’Emmanuel Macron pris la main dans le sac en train d’usurper des fonctions policières et de tabasser allègrement des spectateurs, à peine des manifestants, le 1er mai dernier. Des faits graves, certes, mais vivement étouffés, malgré des vidéos compromettantes en circulation où personne n’avait reconnu les fauteurs de trouble, pour ne pas dire les « fouteurs de bordel », comme dit le président à propos des ouvriers qui refusent de faire 100 kilomètres tous les jours pour aller bosser en échange d’un salaire de misère.

Forcément, il y avait un sac d’embrouilles quelque part. il suffisait de chercher. Bon, la fuite sur l’identité des deux gros bras déguisés en policiers, ce n’était pas trop difficile. Alexandre Benalla, s’immisçant jusqu’aux plus hautes sphères de l’état en bousculant la hiérarchie policière, ça ne pouvait que susciter des rancunes et des jalousies. Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que les policiers en titre aient apprécié modérément que l’on piétine continuellement leurs plates-bandes. Oui, mais une vengeance policière, ça fait mesquin, ça fait petit, ça manque singulièrement de panache. Tandis qu’un bon gros vieux complot, ça fait sérieux, ça fait crédible, et c’est dans l’air du temps. Faute de pouvoir dénoncer elle-même une manœuvre supposée des opposants à Macron, la République en marche a cru décrocher le jackpot en découvrant une étude providentielle d’une officine se présentant comme une ONG, basée en Belgique, donc supposée neutre, qui s’est fixé le vaste objectif de démonter les désinformations. Voilà-t’y pas qu’elle s’est mise en tête de démontrer que la main de Moscou avait tenu la plume des Twittos pour nuire au président français. Selon cette étude, 1 % des auteurs de tweets sur l’affaire Benalla avait produit 44 % des messages. Et Disinfolab de produire des « preuves », en toute transparence, dévoilant ainsi l’existence d’un fichier totalement contraire aux principes défendus par la CNIL, aussitôt saisie d’une plainte.

Les 50 000 personnes visées par l’étude sont identifiées par un matricule et classées en 4 catégories en fonction de leurs affinités politiques, et notamment leur « russophilie ». Ça tombe bien, en ce moment, la Russie est dans le collimateur pour son rôle présumé dans l’empoisonnement d’un ancien agent en Angleterre, et aussi pour son ingérence de plus en plus probable dans l’élection de Donald Trump, sans oublier son activité au proche orient. On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu, et Poutine ferait un coupable très présentable dans un complot contre Macron. Malheureusement, la réalité même de cette soi-disant étude est très compromise, et les méthodes employées par cette association suffisent à la discréditer. Non seulement le fichage politique est totalement inadmissible, mais il semble que le fichier recensait également les préférences sexuelles des intéressés. La diversion a fait long feu !