Impossible en France ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 16 août 2018 10:32
- Écrit par Claude Séné
Après la terrible catastrophe qui a touché l’Italie avec l’effondrement d’un viaduc près de Gênes, les journalistes se sont empressés d’interroger les spécialistes et les politiques sur l’éventualité d’un tel drame sur nos infrastructures en France. Les moins jeunes d’entre vous se souviennent peut-être de ce jeu présenté par Guy Lux en 1967, dans lequel un candidat devait relever un certain nombre de défis en une journée, jeu intitulé « Impossible n’est pas français » et qui n’a pas eu tout le succès escompté.
Pour répondre à la question, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a dû s’inspirer d’un autre jeu célèbre : le ni oui, ni non. Admettre que l’un de nos ouvrages d’art puisse subir le même sort que le pont Morandi, outre qu’il s’agirait là d’un véritable suicide politique, est évidemment impossible. Affirmer le contraire serait cependant imprudent. Le mouvement populiste cinq étoiles, aujourd’hui membre de la coalition au pouvoir en Italie, s’était beaucoup avancé quand il était encore dans l’opposition, en combattant le projet de contournement de Gênes au motif que le viaduc était solide comme le pont neuf et que l’hypothèse de son effondrement était ridicule. Alors la ministre s’est appliquée à énumérer les contrôles que subissent les édifices de ce type selon notre législation tout en se gardant bien d’affirmer qu’une catastrophe de cette nature était impossible en France. Elle n’a cependant pas pu s’empêcher de souligner que son ministère était plus actif que les précédents, à chacun d’en tirer les conclusions.
Et l’on comprend que la ministre hésite à trop la ramener sur le sujet, quand on connait l’état général des infrastructures routières en France, notamment celles qui sont gérées par l’état. Quand une catastrophe ponctuelle provoque la mort de 39 personnes, l’impact sur l’opinion publique est naturellement très important. Qui pourra calculer le nombre de décès parmi les accidents de la route dont la cause principale serait la dégradation des conditions de circulation ou la négligence sur l’entretien des chaussées ? il est évidemment beaucoup plus facile, bien qu’impopulaire, d’accuser exclusivement la vitesse excessive sur les routes secondaires en abaissant le seuil de 10 km/h. Non seulement cela coûte moins cher que de payer les réparations nécessaires en augmentant un budget notoirement insuffisant, mais cela peut rapporter gros par le truchement des radars, en surchauffe depuis le début de l’été et pas que pour des raisons climatiques. On peut compter sur le gouvernement pour se gargariser des statistiques publiées récemment qui affichent une baisse du nombre de morts sur les routes au mois de Juillet, sans insister sur le fait que l’amélioration avait commencé bien avant la mise en œuvre effective de la mesure et que d’autres facteurs peuvent avoir joué un rôle positif. Impossible n’est pas français !