Économie de bouts de chandelle

« On ne peut pas garder la bougie quand l’électricité arrive ». C’est là la déclaration de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, en apprenant que de nombreux emplois vont disparaître dans le secteur du prêt-à-porter. Jusqu’à présent, les gouvernements confrontés à de telles situations faisaient au moins semblant de s’y intéresser. Ils montraient quelque compassion et parfois même essayaient d’y apporter des solutions, tout en sachant que ce serait difficile. Il paraît que ça, c’était l’Ancien Monde. Dans le monde nouveau, on ne souhaite visiblement pas perdre son temps avec les canards boiteux de l’économie.

Le nouveau slogan pourrait être « malheur aux vaincus ». C’est une guerre économique, il y aura des morts et des blessés, seuls les plus forts survivront. D’ailleurs, le président actuel, quand il était candidat, s’est rendu sur les sites menacés à l’époque, mais pour leur dire de ne pas tout attendre de l’état. Désormais, les choses sont encore plus claires : il ne faut rien attendre de la puissance publique. Aide-toi, et ce sera déjà ça. Ne compte surtout pas sur le ciel pour faire le boulot. Au moins, on ne peut pas être déçu, même en bien. Comme chante Serge Lama à propos des ballons rouges : « j’ai rien demandé, je n’ai rien eu, j’ai rien donné, j’ai rien reçu ». Chacun pour soi et le loto pour tous, telle est la nouvelle société, tel est le new deal qui nous est proposé.

Les employés du textile qui vont perdre leur emploi apprécieront probablement d’être comparés à ces vieux bouts de chandelles dont on ne sait plus que faire. Après les avoir usés jusqu’au bas du chandelier, au bout du bout de leur existence, ils vont être jetés, avec quelques miettes indemnitaires. Que diable, il faut vivre avec son temps, et ce ne sont pas quelques rogatons datant de l’ancien régime qui doivent ralentir la marche de la course au profit dans les nouveaux secteurs rentables. Qu’importe que ce soient des êtres humains dont on bafoue ainsi la dignité et que l’on renvoie d’un trait de plume aux oubliettes pour cause d’obsolescence. Je suis le premier à souhaiter le développement de nouvelles technologies, surtout si elles sont au service d’une mutation écologique, en principe une priorité de ce gouvernement, qui tarde à se mettre en route. Mais il ne me semble pas nécessaire de jeter brutalement tout ce qui a fait autrefois notre richesse, et surtout de ne pas traiter avec dignité les personnes qui ont œuvré à ces réussites passées. C’est sans doute trop demander aux technocrates qui nous gouvernent.