Une pétition peut en cacher une autre

Après le succès aussi fulgurant qu’inattendu de la pétition en ligne réclamant le retrait de la loi Duplomb soumise au vote des députés et des sénateurs en vue notamment de prolonger l’autorisation de certains produits phytosanitaires malgré les risques avérés de nuire aux insectes pollinisateurs tels que les abeilles, il était inévitable qu’un tel succès populaire donne des idées aux politiques, malgré les risques d’un échec, évidemment très dommageable par ces temps de scepticisme, et le mot est faible, sur la fiabilité des acteurs de la vie publique. La pétition a été signée par plus de 2 millions de personnes, bien au-dessus du seuil défini par l’Assemblée nationale qui organisait et chapeautait la consultation.

C’est Philippe de Villiers qui a dégainé le premier en lançant une consultation en ligne sur l’opportunité de soumettre un texte concernant l’immigration, sans plus de précision, à un référendum. La xénophobie, qui n’a jamais disparu des discours excluants tenus par l’homme politique vendéen et ses amis, fait toujours recette. L’objectif annoncé de recuillir 2 millions de signatures est atteignable. Le site fait état d’environ 1 million et demi de pétitionnaires actuellement. Toutefois, la fiabilité des décomptes n’est pas garantie. Contre la loi Duplomb, il fallait montrer patte blanche et prouver son identité pour signer dans un système sécurisé. Ici, une adresse mail fait l’affaire et un individu peut voter autant de fois qu’il possède d’adresses distinctes. Il restera cependant une majorité de pétitionnaires « honnêtes » qui permettront à Philippe de Villiers de se constituer un fichier de possibles sympathisants en vue d’échéances électorales ultérieures. Car, le fondateur du Puy-du-Fou ne s’en cache pas, s’il s’agit selon lui de « rendre la parole au peuple », et pour cela, il faut le plébisciter, lui, son meilleur défenseur.

C’est toute l’ambiguïté du processus référendaire. Sur le papier, c’est très démocratique, mais la réponse dépend toujours de celui qui pose la question, sa clarté, son opportunité. Qui décide que ce serait l’immigration le sujet le plus urgent et le plus légitime du moment ? Le général de Gaulle a eu recours plusieurs fois au référendum et il y mettait son mandat en jeu. Les Français ont gardé un très mauvais souvenir de celui de 2005 sur la Constitution européenne, qu’ils ont refusé d’entériner, et qui leur a cependant été imposée par les « élites ». Le peuple, supposé souverain, n’a pas toujours les bonnes informations au moment voulu comme le démontre le résultat du vote sur le Brexit au Royaume-Uni, remporté par des populistes sans scrupules, grâce à des mensonges éhontés. Sur un sujet aussi sensible que celui de l’immigration, une seule chose semble acquise, le peuple dira non à toute question posée par le président actuel.