Un canard sans tête

« La Macronie ? Un canard sans tête… ou une tête sans canard ! » Ce jugement un peu sévère pourrait avoir été écrit aujourd’hui tant il résonne avec l’actualité. Le président de la République se démène pour accréditer l’idée qu’il continue à décider de tout, bien qu’il ne dispose en réalité que de faibles marges de manœuvre et d’aucune majorité dans le pays. Qu’à cela ne tienne. Il donne une interview à la Presse quotidienne régionale, une manière commode de s’adresser aux Français sans grand risque d’être déstabilisé par des contradicteurs.

Cet éditorial remonte au 9 janvier 2019, il a été prononcé sur l’antenne de France Inter par le journaliste politique maison, Thomas Legrand, qui concluait alors ainsi : « La question était : qu’est-ce que le macronisme ? Elle est maintenant : existe-t-il seulement ? » Parmi les sujets abordés, un d’eux me parait exemplaire de la stratégie présidentielle. Il annonce qu’il n’y aura pas de retour au service militaire devenu national puis universel. Grande nouvelle ! quand on sait que tous les experts estiment que ce serait, primo, impossible rapidement par manque d’encadrement et de locaux, secundo, hors de prix pour un bénéfice très hasardeux. Il semble appliquer une formule attribuée à Jacques Chirac au cours de sa longue ascension vers le pouvoir : « il faut bien que je les suive, puisque je suis leur chef ». En politique étrangère, Emmanuel Macron tente désespérément de faire croire au leadership de la France, se permettant même de décider seul qui ferait appliquer le cessez-le-feu, si toutefois il voit le jour. « Moscou n’a pas son mot à dire si l’Ukraine demande l’aide des forces alliées ».

Ces gesticulations, qui risquent d’être contre-productives, ne masquent pas le grand isolement du Président français, lâché depuis longtemps par sa base, mais qui s’accroche aux quelques prérogatives qui lui restent. L’ancien président du Conseil italien, Enrico Letta, estime que le déclassement français est dû à l’abandon du septennat au profit du quinquennat, qui lie le destin du président à celui du parlement, mais c’est oublier un peu vite que d’autres présidents, en acceptant des cohabitations, ont fait fonctionner les institutions de façon à peu près cohérente. La situation d’Emmanuel Macron me fait penser aux dessins animés d’autrefois, quand un personnage continue à courir dans le vide au-delà de la falaise, jusqu’à ce qu’il prenne conscience de l’inéluctabilité de la loi universelle de gravitation et tombe alors inexorablement vers le sol. J’imagine, et ce sera la « chute » de cette chronique, qu’il se répète inlassablement : « pour le moment, ça va ! » Pour les Français, un peu moins.