L’heure des comptes

Reconnaissons-le tout de suite. Les Jeux olympiques de Paris sont un succès. Et ce n’était pas forcément gagné par avance. Comme beaucoup de Français, j’étais sceptique sur nos capacités à organiser une manifestation de cette ampleur, sans qu’il y ait trop de fausses notes, que ce soit dans les transports, l’hébergement ou la sécurité. Mission accomplie de ce côté. Seul point noir, la qualité de l’eau de la Seine à cause des pluies, avec le report de quelques épreuves. Deuxième motif de satisfaction, les médailles remportées, qui nous placent au 5e rang des nations engagées et première du continent européen.

Une fois poussé ce cocorico, auquel il faut ajouter un prix spécial pour la capacité du public français à encourager ses athlètes, on peut largement nuancer le propos. Dans la comptabilité des médailles, l’absence de la Russie nous a un peu favorisés, et l’effet « pays organisateur », évalué à 40 % d’amélioration des performances, a joué à plein. D’un point de vue financier, Tony Estanguet, le président du comité d’organisation, qui a réussi un sans-faute médiatique, peut annoncer un budget tenu même si les retombées s’annoncent modestes, de l’ordre de 1 milliard et demi sur 10 ans en Île-de-France, et que certains commerçants ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires. Le prestige de la France et de sa capitale en sort grandi, et ça, ça n’a pas de prix. Un autre bénéfice secondaire de la performance des athlètes, c’est également la naissance de vocations liées à l’admiration des jeunes pour les champions nationaux découverts ou reconnus à cette occasion. Les exploits des frères Lebrun vont amener des inscriptions en masse dans les clubs de tennis de table à la rentrée. La natation ou le judo vont bénéficier des performances de Léon Marchand ou Teddy Riner, pour ne citer qu’eux.

Toutefois, il ne faut pas que l’arbre cache la forêt. Si le sport progresse globalement à l’occasion de ces évènements très médiatisés, la tendance à l’inactivité physique continue à être préoccupante, notamment chez les enfants et les adolescents. Certains médecins tirent la sonnette d’alarme, car ils examinent parfois des jeunes qui ne peuvent pas courir sans être essoufflés très rapidement. Des études démontrent une croissance inquiétante de l’obésité, y compris infantile, faute d’activité physique et d’un abus de boissons sucrées, ainsi qu’une alimentation déséquilibrée. L’épidémie de covid-19, qui a maintenu au repos forcé une grande partie de la population, a mis cet état de choses en exergue et l’a aggravé momentanément, en renforçant la sédentarité et en favorisant le travail à distance. La tendance naturelle des dirigeants politiques c’est de mesurer le succès à l’aune des sportifs de haut niveau, tandis que dans le milieu associatif on prône le sport pour tous, mesurable au nombre de licenciés. Les deux objectifs sont parfaitement compatibles. Le rôle de l’état devrait être de pousser à la création des infrastructures nécessaires à l’éclosion de nouveaux talents, comme à permettre un épanouissement personnel, bénéfique à tous.