
Terrorisme, vous avez dit terrorisme ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 17 avril 2025 10:35
- Écrit par Claude Séné

Je dois reconnaitre ma surprise initiale quand j’ai appris que c’était le parquet de lutte contre le terrorisme qui avait été chargé de l’enquête sur les violences dirigées contre les prisons de plusieurs villes ces jours derniers. Ma méfiance était alors renforcée par des hypothèses d’une piste d’ultragauche, que rien ne venait étayer sérieusement, mais qui pourrait arranger les thèses des ministres tentés par un rapprochement avec le Rassemblement national. Nous nous rappelons encore « l’affaire de Tarnac » en 2008, quand la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, désignait Julien Coupat et son groupuscule anarchiste à la vindicte populaire comme responsables du sabotage de caténaires sur des lignes de la SNCF.
Une enquête bâclée et un procès plus tard, confirmé en appel et en cassation en 2018, aboutiront à l’abandon des charges de terrorisme. Ce chef d’inculpation a depuis été invoqué à de nombreuses reprises, et le plus souvent à raison. Il permet des dérogations au droit courant, comme la prolongation d’une garde à vue, par exemple, et il est donc tentant de le retenir. Le gouvernement algérien a utilisé l’accusation d’acte terroriste ou subversif pour discréditer l’écrivain franco-algérien Boualem Sensal, détenu depuis novembre 2024 et condamné récemment pour avoir mis en danger « la Sureté de l’état, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions » par ses paroles et ses écrits. Cette dérive incite à clarifier le concept même de terrorisme, qui, comme son nom l’indique, vise à effrayer tout ou partie de la population pour des motifs idéologiques. En France, le terrorisme est fréquemment associé à l’islamisme radical, et il a pu s’appuyer parfois sur des pratiques religieuses et politiques visant à terroriser les populations par des attentats.
Évidemment, incendier des véhicules ou tirer sur des portes de prison à la Kalachnikov menace spécifiquement le personnel pénitentiaire, qui craint légitimement pour sa vie. Une riposte des narcotrafiquants menacés d’un régime plus sévère de détention fait partie des hypothèses crédibles à ce stade de l’enquête, et probablement plus vraisemblables qu’un supposé terrorisme. On en saura peut-être davantage lorsque les investigations seront plus avancées autour du groupe qui a signé les actes de violence du sigle DDPF, qui serait l’acronyme de « défense des droits des prisonniers français » qui a été tagué sur les murs des prisons concernées. Cette organisation a fait une apparition récente sur les réseaux sociaux et en particulier la chaine cryptée Telegram. On ignore encore si ce groupe est structuré et s’il représente une fraction significative de personnes actives. Il est pris au sérieux par les personnes visées, au premier chef, les surveillants, qui se sentent très vulnérables. Selon le syndicat FO justice, il s’agit là « d’une tentative d’intimidation inquiétante visant l’état ». En tenant compte des flambées de violence et les mutineries qui se produisent à intervalles réguliers, je ne suis pas loin de partager son constat.