
Une polémique peut en cacher une autre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 16 avril 2025 11:20
- Écrit par Claude Séné

Le journal Libération a été informé d’un échange de mails entre le ministère de l’Agriculture et une agence de publicité concernant une prochaine campagne destinée à promouvoir l’agriculture biologique sous le titre : « c’est bio, la France » pour relancer l’image de marque du Bio, en perte de vitesse depuis quelques années du fait du renchérissement global des fruits et légumes en général, et du bio en particulier, plus chers du fait de l’incidence du travail tel que le désherbage manuel. Le ministère de tutelle aurait demandé à l’Agence de remplacer le couscous figurant au menu de la famille modèle par du cassoulet, avec du canard, précisait-on.
Inutile de dire que le couscous, plat préféré des Français, parait-il, est surtout associé à l’Afrique du Nord et au Maghreb, qui ne sont pas vraiment en odeur de sainteté dans un électorat proche du Rassemblement national, qu’on ne veut visiblement pas heurter. Officiellement, le ministère a souhaité « veiller à la diversité des productions biologiques et locales » en regrettant « un faux débat ». Quant à l’adolescent métis qui préparait une mayonnaise « maison », il convenait de le remplacer par un « caucasien ». Constatons au passage ce nouvel emprunt à la culture américaine, qui désigne ainsi ses ressortissants d’origine européenne. En bon français, il faut comprendre qu’il s’applique à la couleur de peau, faute d’oser dire un acteur blanc, qui révélerait le racisme sous-jacent de celui qui l’emploie. Sur ce point, l’agence a tenu bon, et le casting ne sera pas modifié, nous dit-on. Mais le cassoulet sera bien au menu, pour des raisons qui m’échappent. Le poulet frites, par exemple, aurait été aussi représentatif du goût des Français, sinon de la culture biologique.
Il y a un autre aspect de cette histoire, car c’est aussi une question de gros sous. On cherche désespérément à faire des économies de bouts de chandelle sur les différents budgets et les nombreuses agences créées par les ministères ont été dans le collimateur récemment. L’agence Bio, financée conjointement par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique a même failli passer à la trappe dans la discussion sur le budget 2025 pour récupérer les 2,9 millions de dépenses prévus cette année. Sur le principe, le soutien à la filière bio relève bien d’une politique nationale, mais elle se fait parfois au détriment d’un autre impératif, tout aussi important, la production locale. Dans les rayons des grandes surfaces se côtoient souvent les produits d’une agriculture « raisonnée » provenant d’exploitations locales et des produits estampillés bio, mais qui ont beaucoup voyagé. Un casse-tête pour le consommateur, qu’il résout fréquemment, et particulièrement en période d’inflation, par l’arbitrage du porte-monnaie.