Clermont-Ferrand, ton univers impitoyable

La très courte vidéo a fait le tour des réseaux sociaux en un temps record. On y voit très distinctement un policier porter un violent coup de poing au visage d’un homme en fauteuil roulant, alors qu’un autre le maintient par le bras et qu’une policière semble essayer de lui faire lâcher prise et lui demande d’arrêter. Un quatrième policier, en retrait, observe la scène. Selon la procureure de la République, l’homme en situation de handicap aurait insulté les policiers, qui ont d’ailleurs porté plainte contre lui, en l’accusant d’avoir foncé sur eux avec son fauteuil électrique, considéré comme une arme par destination.

Cette description m’a renvoyé quelques années en arrière, lorsque les affrontements entre policiers et manifestants étaient quotidiens, notamment au Quartier latin pendant les « évènements » du mois de mai 1968. Des caricaturistes faisaient alors état d’attaques sauvages d’étudiants qui se précipitaient la tête la première contre les matraques des pauvres CRS réduits à la défensive. Les policiers mis en cause à Clermont-Ferrand étaient là en renfort des policiers locaux et participaient à une opération dite de sécurisation dans un quartier sensible, après des rixes qui ont eu lieu la semaine précédente. Apparemment, il s’agissait de mettre « du bleu » dans la rue, pour intimider les fauteurs de trouble. Cela ne justifie en rien une réaction totalement disproportionnée à l’égard de la victime, une personnalité bien connue dans le quartier, rendue paraplégique des deux jambes et d’un bras par un accident de voiture où il a subi un coma laissant quelques séquelles sur un plan psychologique. Il était bien incapable de faire du mal à quiconque, et notamment de porter un coup de pied à un policier comme il l’a prétendu, ou de se sauver sans son fauteuil roulant.

Le vidéaste amateur a filmé la scène pour qu’on le croie, tant cette situation parait surréaliste. Il a dû arrêter sa prise de vue après une intimidation visuelle. Il y a cependant suffisamment de témoins pour obliger l’administration à ouvrir une enquête, que l’on espère indépendante. D’autant que la députée LFI de la circonscription, ainsi que le Maire PS de la ville se sont émus de l’affaire. L’inspection générale de la police nationale, l’IGPN, connue sous le nom de police des polices ou encore les « bœuf-carottes » a également été saisie. La réaction de la procureure de la République est cependant très inquiétante, qui présuppose la culpabilité de la victime et la totale innocence des auteurs des faits, dont Raphaël porte les stigmates sous forme d’un œil au beurre noir et d’un hématome sur le nez. À ce jour, et à ma connaissance, le policier qui a porté le coup et s’en est vanté ensuite n’a fait l’objet d’aucune mesure conservatoire en attendant les résultats de l’enquête.