Le triomphe de l’ambiguïté

C’est entendu. Le parti du président a recueilli le plus grand nombre de suffrages des électeurs qui se sont donné la peine d’aller voter ce dimanche, et tout laisse à penser que ce résultat sera confirmé par le second tour. On comprend donc qu’Emmanuel Macron se frotte les mains « in petto » tout en se gardant de tout triomphalisme visible qui pourrait passer pour de l’arrogance. Les Français doivent-ils s’en réjouir pour autant ? Rien n’est moins sûr. Les politologues, qui adorent traduire les votes individuels en tendances concertées, interprètent les résultats comme une marque de confiance, un désir de faire réussir le nouveau président.

Il convient de nuancer et de relativiser cet enthousiasme supposé des électeurs. Le taux record d’abstention, plus de la moitié des inscrits en métropole et jusqu’aux trois quarts dans les outremers, ramène le « tsunami » Macron à des proportions plus modestes. Ce ne sont qu’environ 15 % des inscrits qui ont voté pour la République en marche et le Modem. Le mode de scrutin uninominal à deux tours permettra au parti du président de rafler entre les deux tiers et les trois quarts des sièges à l’Assemblée nationale. Theresa May en a rêvé, Macron l’a fait. Une majorité confortable, donc, qui va permettre à Emmanuel Macron de faire passer ses projets sans opposition parlementaire, alors qu’ils ne recueillent qu’un soutien populaire très relatif. Paradoxalement, une majorité pléthorique de plus de 400 sièges annoncés pour la République en marche ne favorise pas le pouvoir législatif, mais au contraire renforce le pouvoir exécutif. En effet, les candidats investis par le mouvement sont très disparates et viennent d’horizons variés et parfois contradictoires. Leur seul point commun, en réalité, c’est leur allégeance au chef. Dans une majorité aussi nombreuse, les états d’âme individuels ne pèseront pas lourd et chacun pourra se réfugier dans le conformisme douillet d’une approbation sans partage des consignes venues d’en haut.

En d’autres termes, nous sommes peut-être en train d’assister au couronnement de Panurge Premier, qui sera suivi aveuglément par son troupeau, au risque d’entrainer la France et les Français dans un naufrage collectif. Si l’opposition ne peut pas s’exprimer à l’Assemblée, il faudra bien qu’elle ressorte quelque part. Car le socle d’adhésion à la politique de Monsieur Macron est très faible en fait, y compris chez les électeurs qui ont voté pour lui dans le seul but de renouveler le personnel politique, et qui vont peut-être déchanter en constatant la réalité des mesures antisociales projetées par le nouveau pouvoir. L’effondrement des partis traditionnels, et l’échec relatif des insoumis ne permettent pas d’offrir un débouché politique à l’insatisfaction prévisible à plus ou moins brève échéance. Une situation préoccupante dont la démocratie ne sort pas grandie.

Commentaires  

#1 Jacotte massé 12-06-2017 11:01
y en a un qui doit se réjouir dans sa tombe! vous avez deviné? De Gaulle bien sur....
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