Messieurs les Anglais

Tirez-vous les premiers, serait-on tenté de dire en paraphrasant le comte d’Anterroches à la bataille de Fontenoy. Depuis le vote du Brexit par les électeurs du Royaume-Uni et l’arrivée de Theresa May au 10, Downing street, il semblait que les Anglais jugent urgent d’attendre avant de déclencher la procédure prévue à l’article 50 du traité européen. Ni la Première ministre ni la classe politique dans son ensemble ne semblait vraiment savoir dans quelle direction elle souhaitait aller.

Au point que l’on se demandait si la stratégie ne consistait pas à faire traîner les choses jusqu’à rendre crédible un vote du Parlement qui contredirait le scrutin populaire et permettrait une sortie honorable de ce bourbier dans lequel tous les protagonistes ont quelque chose à perdre. Sur ce point, la nouvelle dame de fer a été un peu plus claire, en affirmant sa volonté de faire sortir son pays à la fois de l’Union européenne, mais aussi du marché unique et de ses accords douaniers et financiers. Pour ceux qui en auraient douté, Theresa May est très loin d’être mère Teresa, et son objectif est bien de fermer la porte aux candidats à l’immigration, même s’il faut pour cela renoncer à faire venir des étudiants étrangers, pourtant sources de futures richesses. Pour résumer la position anglaise, les observateurs ont employé le terme de « Brexit dur ». À l’inverse en somme d’un divorce à l’italienne, ce divorce à l’anglaise fermerait la porte à des solutions intermédiaires, des arrangements comme celui de la Norvège, qui sans faire partie de l’Union, cotise pour accéder au Marché unique. Theresa May compte probablement sur le soutien du grand frère américain pour négocier ses positions dans le grand marché mondial. Je vois mal Donald Trump faire le moindre cadeau à qui que ce soit, sans en tirer quelque avantage en retour.

Ses adversaires ne pourront plus l’appeler Theresa « May be » (Theresa peut-être), mais ils continuent à penser qu’elle veut le beurre et l’argent du beurre, et qu’elle se fait des illusions. Elle déclare préférer aucun accord à un mauvais accord. Il s’agit probablement d’une posture destinée à un usage interne pour démontrer sa détermination. Nous avons connu cela avec les rodomontades permanentes d’un ancien président qui voulait masquer son impuissance à influencer la scène internationale. Je ne crois pas beaucoup à une volonté européenne de « punir » l’Angleterre d’avoir « mal voté ». Par contre, il n’y a aucune raison de faire des sacrifices pour entretenir une flamme qui a disparu si tant est qu’elle ait jamais existé. Les négociations avec le Royaume-Uni seront serrées et les Européens défendront leurs intérêts tout autant que les Britanniques.