Noir c’est noir

Dans cette agence immobilière des Lilas affiliée au groupe Laforêt, une petite annonce a fait sursauter un internaute, car elle précisait sur sa fiche de location : « nationalité française obligatoire, pas de Noir ». Depuis sa divulgation, une association antiraciste a porté plainte, le Conseil Représentatif des Associations Noires a lancé une action de groupe, le Défenseur des droits s’est saisi du sujet et a ouvert une enquête, et l’opinion s’est émue de cette marque évidente de discrimination. Chacun se renvoie la responsabilité de cette énormité, et l’on baigne dans le flou le plus total.

L’agence incrimine une ancienne employée qui aurait fait du zèle à la demande de la propriétaire, « raciste », qui elle-même dément et indique avoir déjà pour locataires des Maghrébins et un noir. Le groupe Laforêt, conscient de la publicité négative d’une telle affaire, a dénoncé son contrat avec l’agence et présenté ses excuses. Ne nous voilons pas la face. Ces discriminations existent, même si elles ne sont pas écrites noir sur blanc, si j’ose dire. Il y a quelques années, c’est la mention BBR, pour bleu blanc rouge, dans des fichiers, qui avait fait scandale. La maison Loréal et le groupe d’intérim Adecco avaient alors été condamnés pour discrimination à l’embauche.

Cette affaire survient au moment où une réforme d’importance doit toucher le secteur immobilier pour lutter contre les taudis et les logements insalubres. Un « permis de location » sera désormais exigé dans certaines communes, avec le décret d’application de la loi Alur publié au journal officiel du 21 décembre. Le propriétaire sera soumis à une autorisation préalable à la mise en location de son bien, en particulier dans les zones où sont concentrés des logements dégradés, anciens ou insalubres. L’objectif est évidemment de lutter contre le mal-logement, un fléau qui touche encore une part trop importante de la population, facteur de discrimination sociale et vecteur de toutes les maladies. En clair, les « marchands de sommeil » ne devraient plus pouvoir exercer leur activité sans contrôle, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Le permis ne sera accordé que si les conditions d’hygiène et de sécurité sont réunies. On pense à ces immeubles vétustes dans lesquels la moindre bougie quand l’électricité a été coupée par suite d’impayés devient un danger mortel pour tous ses habitants. Naturellement, la mise aux normes aura un coût, et les professionnels de l’immobilier sont déjà vent debout contre cette nouvelle exigence. Selon eux, cette mesure est inapplicable, car les propriétaires préfèreront ne pas demander d’autorisation s’ils savent leur bien vétuste et loueront illégalement leur appartement « au black » plutôt que de se mettre en règle. Et vous savez quoi ? La boucle sera bouclée. Les meilleurs logements, interdits aux noirs, les taudis, loués « au noir ».