Exemplarité

Le verdict est tombé dans le procès des époux Cahuzac, et la condamnation à 2 ans de prison ferme pour Madame et 3 ans pour Monsieur, sans possibilité d’aménagement de peine, est particulièrement sévère, bien que parfaitement justifiée. En France, nul n’est censé commenter une décision de justice, mais personne ne peut être empêché de donner un avis sur le fonctionnement de l’institution judiciaire. Je ne vais donc pas me gêner. Cette peine exemplaire, nul ne sait dans quelle mesure elle peut avoir un effet dissuasif. En droit français, chaque jugement est unique et doit être adapté à chaque cas particulier.

La probabilité qu’un autre ancien ministre du budget soit convaincu de fraude fiscale est infime. Or c’est bien la qualité des fonctions exercées par Jérôme Cahuzac qui a constitué le principal facteur aggravant dans son affaire et a entraîné cette lourde condamnation. Les mensonges de l’ancien ministre, s’ils ont pesé lourd dans la condamnation morale de l’intéressé par l’opinion publique, n’ont pas joué un rôle déterminant dans le jugement, qui s’en est tenu aux faits de blanchiment et de fraude fiscale. Si la peine principale est lourde, la peine secondaire de 5 ans d’inéligibilité me parait trop légère. Cet homme a un métier, rien ne l’oblige à être politicien professionnel, et quand bien même. Imagine-t-on que dans 5 ans Mr Cahuzac serait autorisé à briguer les suffrages des Français et siéger dans une Assemblée nationale à qui il n’a cessé de mentir ? Cette hypothèse n’a rien d’impossible si l’on songe que Patrick Balkany est régulièrement réélu malgré ses condamnations, et qu’Alain Juppé aurait pu devenir Président de la République.

Actuellement, la période maximale d’inéligibilité est fixée à 10 ans, car le projet de loi qui prévoyait cette sanction à vie a été jugé anticonstitutionnel, car basé sur l’automaticité. C’est notoirement insuffisant. Il faudrait que l’inéligibilité définitive fasse partie de l’arsenal judiciaire, même au cas par cas, et que des délits de cette nature, ainsi que les faits de corruption entraînent systématiquement la privation des droits civiques et donc l’impossibilité d’exercer des fonctions régaliennes au sein de l’état. Autant j’estime légitime d’accorder une nouvelle chance aux simples citoyens qui ont commis des erreurs plus ou moins graves, dans la mesure où il existe une chance raisonnable qu’ils s’amendent, autant je pense nécessaire de barrer la route aux aigrefins qui profitent de la confiance de leurs concitoyens dans un but d’enrichissement personnel. Et puisque l’opinion est versatile et que les Français ont la mémoire courte, je ne vois que la sévérité de la loi pour y pourvoir.