À l’est d’Alep

La situation des forces opposées au pouvoir de Bachar-el-Asad dans les quartiers Est de la ville d’Alep ne cesse de se détériorer et ce sont les civils qui en payent le prix fort. Dans cette guerre fratricide, on ne peut que songer au roman de Steinbeck, adapté au cinéma par Elia Kazan, « à l’Est d’Éden », dont le titre est basé sur une citation de la Bible : « Caïn se retira de devant l’Éternel et séjourna dans le pays de Nôd, à l’Est d’Éden ».

Selon la Genèse, Caïn a tué son frère Abel par jalousie, parce que ses offrandes plaisaient plus à Dieu que les siennes. Dans la guerre moderne qui oppose un tyran à son peuple, las de subir la répression et de ne pas pouvoir exprimer son opinion, la partie semblait équilibrée et les forces en présence sensiblement égales. L’intervention russe en faveur du dictateur syrien est en passe de lui faire remporter la victoire, en écrasant toute la partie Est de la ville d’Alep sous les bombes. Il n’y a pas de guerre propre, contrairement à ce que la propagande a pu vouloir faire croire pendant l’invasion de l’Irak avec le mythe des frappes chirurgicales. Mais dans cet épisode particulier, les frontières du cynisme absolu ont été franchies. Les frappes aériennes russes ont visé spécifiquement les écoles et les hôpitaux, y compris ceux des organisations humanitaires qui tentent de porter secours à la population. Le but avoué de ces bombardements était de terroriser les civils pour les inciter à fuir la ville et faciliter ainsi la progression des forces loyales à Bachar.

Des témoignages font même état de bombes chimiques permettant de débusquer les habitants réfugiés dans les caves et les forcer à sortir. Après avoir proposé des couloirs « humanitaires » pour forcer l’évacuation de la ville, le régime appuyé par Poutine organise un blocus destiné à affamer la population pour l’amener à une reddition sans condition. À ce train-là, la rébellion ne pourra pas tenir encore très longtemps et le massacre se poursuit sous les yeux d’une communauté internationale impuissante. C’est quand même l’honneur de la France, par la bouche de Jean-Marc Ayrault, que d’avoir demandé la réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU pour essayer de venir en aide à la population de cette « ville-martyre ». Malheureusement, sa voix se heurtera comme d’habitude au droit de véto que la Russie ne manquera pas d’utiliser, et au manque de détermination d’un Obama qui vit ses dernières semaines à la Maison-Blanche. Moins que jamais les États-Unis ne sont prêts à envoyer des « boys » mourir pour sauver Alep. Et Poutine en profite cyniquement.