Accueillir Poutine ?

François Hollande dit se poser encore la question. Le président russe doit venir la semaine prochaine à Paris pour l’inauguration d’une cathédrale orthodoxe au quai Branly au moment où les relations diplomatiques entre les deux pays se sont à nouveau tendues du fait de la crise humanitaire à Alep. Chacun des deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU a déposé une motion visant à rétablir la paix en Syrie, motions rejetées par les parties en présence. La France dénonce le bombardement systématique des quartiers encore tenus par les rebelles, y compris et spécifiquement les hôpitaux.

Le ministre français des Affaires étrangères, sans citer nommément la Russie, demande une enquête et réclame la traduction des responsables devant le tribunal international de La Haye pour crimes de guerre. Tout le monde sait que l’armée syrienne ne peut continuer à mener ces opérations sans le soutien opérationnel et logistique de la Russie. Dans ces conditions, on comprendrait mal que le président français déroule le tapis rouge à son homologue russe, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy pour le dictateur libyen Kadhafi en 2007. Bon, les soupçons de financement de sa campagne par la Libye expliquent peut-être cette réception qui avait étonné à l’époque. François Hollande doit emprunter une ligne de crête étroite et dangereuse. Il ne serait pas pragmatique de rompre les relations diplomatiques avec la Russie, ou de provoquer un incident tel que les deux pays ne se parlent plus. Ce serait même probablement contre-productif. Difficile également de laisser passer cette politique agressive de Moscou sur tous les fronts, après la Crimée et l’Ukraine, sans réagir.

On sait bien que les menaces des Occidentaux de saisir le TPI ont peu de chances d’aboutir, ne serait-ce que parce que sa juridiction n’est pas reconnue par tous. En revanche, les sanctions économiques peuvent pénaliser réellement la Russie, avec l’inconvénient majeur de nous pénaliser également, comme on l’a constaté avec l’annulation de la vente des frégates en 2015. La langue de bois habituelle à ces circonstances veut que les chefs d’État qui reçoivent des autocrates patentés tels que Vladimir Poutine affirment leur intention de leur sortir leurs quatre vérités et les sermonnent sur le respect des droits de l’homme. Un discours à usage exclusif des médias et des opinions publiques dont personne n’est dupe. Il pourrait en aller différemment cette fois. François Hollande sait que ses chances de se succéder à lui-même sont infimes et relèvent du miracle, malgré la baraka dont il est persuadé d’être bénéficiaire. C’est l’occasion ou jamais de se lâcher et de jouer la carte de la franchise. Après tout, la politique étrangère est à peu près le seul domaine où son bilan pourrait rester globalement positif.