Le socle ou le palier

Les éminents spécialistes des sondages se disputaient gravement la semaine dernière pour savoir s’il fallait considérer la stagnation toute récente des intentions de vote en faveur du non candidat à l’élection présidentielle comme un coup d’arrêt ou comme une consolidation de ses positions. Autrement dit, si les 13 à 17 % réunis par Éric Zemmour, représentaient un palier dans un escalier qui pouvait tantôt monter, tantôt descendre, ou un socle soutenant fermement une future statue qui ne pouvait que s’élever. La dernière vague de sondages semble indiquer un tassement, voire une régression du presque candidat.

Certains résultats montrent pour la première fois un recul de Zemmour, et la plupart le situent à présent en troisième position, derrière Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Une médaille de bronze, qui contrairement aux Jeux olympiques, n’a aucune valeur de consolation et se rapproche de la médaille en chocolat réservée aux grands perdants. Deux indices me font penser que cette situation inquiète davantage Éric Zemmour qu’il ne veut bien le reconnaître. Tout d’abord, la remise en question des sondages en général et de ceux qui lui sont défavorables en particulier. C’est de bonne guerre, et tous les candidats le font. Il suffit d’entendre Yannick Jadot ou Anne Hidalgo pour s’en convaincre. Zemmour va plus loin en discréditant les organismes supposés partiaux à son égard, Elabe ou Odoxa, dont les résultats seraient brusquement devenus suspects.

Le deuxième élément, c’est l’attaque frontale du polémiste contre l’ancien président François Hollande qu’il traite de criminel pour ne pas avoir fermé les frontières avant les attentats du 13 novembre 2015, sachant que des terroristes pouvaient s’infiltrer à la faveur de mouvements migratoires. Cette accusation serait simplement ridicule si elle ne se produisait au moment même où l’on commémore les attentats, où l’on rend hommage aux victimes de ces évènements et où l’on juge les terroristes présumés et leurs complices. Tous les moyens sont bons, y compris les procédés les plus déloyaux, pour tenter désespérément de faire l’actualité, d’attirer l’attention sur sa pitoyable personne. Et c’est ça qui postule à diriger la France ? Lui, au pouvoir, il aurait bunkérisé le pays ? Il aurait empêché tous les étrangers de rentrer sur le territoire français ? Et pour quel résultat ? L’ennemi était déjà dans la place, et il le sait très bien. La réalité c’est que Zemmour est contraint à une fuite en avant, pour tenter de maintenir un climat de guerre civile dont il affirme qu’elle est déjà en marche, seule possibilité pour lui de se poser en rempart contre une invasion barbare, qu’il appelle grand remplacement. Il a besoin d’exciter la haine des autres, de créer de toutes pièces des polémiques successives en comptant sur la désinformation et les peurs latentes dont il espère tirer profit. Du moins son ascension semble-t-elle marquer, enfin, le pas.