La poutre biélorusse

Difficile de passer à côté de l’énorme poutre qui dépasse de l’œil du voisin dictateur du Bélarus, Alexandre Loukachenko, qui se sert de toute une population étrangère, en provenance d’Irak, de Syrie, ou d’autres régions martyres du Proche-Orient, pour se venger de l’Union européenne qui met en doute sa légitimité. La Biélorussie a fait venir par charters entiers des candidats à l’immigration en Europe, via la Pologne ou les pays baltes. Les Polonais ne les laissent pas passer et les Biélorusses les empêchent de revenir sur leurs pas. Plusieurs milliers de migrants sont ainsi pris entre deux feux, dans la neige et le froid, malgré les efforts de quelques ONG.

Une situation intolérable donc, mais cependant tolérée, puisque les états se renvoient des menaces de sanctions économiques, comme la coupure du gaz russe qui transite par le Bélarus, alors que l’urgence humanitaire est à la porte de l’union. La réponse polonaise, au nom de la défense des frontières européennes, est de déployer 15 000 soldats, de renforcer la clôture physique entre les deux pays et de se lancer dans la construction d’un mur, à l’instar de Donald Trump. Une escalade qui ne règlera rien et peut entériner de fait un nouveau rideau de fer. À qui fera-t-on croire que l’arrivée de quelques milliers d’immigrés, par ce canal ou par les autres, peut mettre en péril l’économie d’une puissance comptant encore près de 450 millions de personnes, malgré la défection du Royaume-Uni et le Brexit ? Certains économistes tirent même la sonnette d’alarme sur le déclin de la fécondité dans les pays industrialisés. Contrairement à une idée reçue, l’Europe a besoin, et ce sera de plus en plus le cas, d’une immigration, par ailleurs neutre sur un plan purement comptable.

C’est donc parfaitement inadmissible, n’en déplaise aux idéologues qui agitent l’immigration comme un épouvantail en espérant glaner des voix, de ne pas accueillir correctement les personnes qui ont fui leur pays par nécessité, et continuent de risquer leur vie pour essayer d’en gagner une meilleure. La paille dans notre œil national, c’est peut-être la situation inquiétante dans la région de Briançon, où Médecins sans frontières en a été réduit à installer une tente humanitaire d’urgence chauffée pour héberger provisoirement une centaine de migrants, alors que l’état se refuse à laisser les associations ouvrir de nouveaux lieux d’accueil. Et que dire de la politique conjointe de la France et la Grande-Bretagne qui laisse perdurer des situations indignes dans la région de Calais ? La seule chose qui ait changé depuis l’époque où le gouvernement français démantelait des campements sauvages sur la côte, c’est la dénomination. L’état a banni le terme de jungle, trop péjoratif, pour le remplacer par celui de « lande », qui évoque ma Bretagne natale. La réalité est tout sauf poétique. C’est une honte pour un pays qui se dit civilisé.