Mon gars Bruno
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 19 novembre 2020 10:23
- Écrit par Claude Séné
Les occasions de rire ne sont pas si nombreuses qu’on puisse se permettre de faire la fine bouche quand elles se présentent. Je voudrais donc remercier Bruno Lemaire pour sa contribution décisive à l’humour français, canal Raymond Devos, champion de l’absurde, au cours des questions au gouvernement dans la séance d’hier au Sénat. Ce qui fait le prix de ses interventions humoristiques, c’est le sérieux avec lequel il profère ses aphorismes, aussi impassible qu’un Buster Keaton, quitte à se faire démentir dans les mois ou même en ce moment les semaines, les heures, si ce n’est les secondes suivantes.
On se serait presque attendu à voir débarquer à sa rescousse un François Morel en tenue de travail, blouse grise, béret et cul-de-lampe sur le nez, pour lui donner la réplique. Ça donnerait à peu près ceci:
« J’accueille maintenant, Bruno, mon gars Bruno, un p’tit gars qui n’en veut, hein, alors bonjour Bruno, comment t’appelles-tu ?
—ben, Bruno !
—Parfaitement, mon gars Bruno, et de quoi vas-tu nous parler aujourd’hui ? D’économie, c’est bien ça ? Ça serait en quelque sorte ta spécialité ?
—oui, j’ai eu une idée. Les petits commerçants ont du mal en ce moment, alors on pourrait demander à ceux qui vendent sur Internet et qui s’en mettent, pour ainsi dire, plein les fouilles, de décaler leur grosse opération de promotion. Je pose la question, hein, est-ce que vraiment, vendredi prochain, c’est la bonne date pour organiser un Black Friday ? je ne sais pas, hein, je cherche…
—(…) euh ! comment te dire, Bruno… je sais qu’à l’école t’étais surtout bon en calcul et que les langues, tu les mettais plutôt dans la poche avec ton mouchoir par-dessus, mais là, y a un léger problème. Friday ça veut dire vendredi en anglais. Ce qui n’aurait pas de sens c’est de faire un Black Friday un lundi, par exemple.
—oui, bon, ben, si personne me prévient, non plus, je peux pas deviner, hein ?
—Ne t’énerve pas, de toute façon, on peut toujours demander, ils feront bien ce qu’ils voudront… nous, on pourra dire qu’on a essayé, c’est déjà pas mal.
—oui, ben, c’est dommage, parce que des idées, j’en ai plein. Je me disais qu’on pourrait aussi fêter Noël l’été prochain, vu que le virus circule moins aux beaux jours. Faire des fêtes groupées, par exemple, en jumelant le réveillon et le défilé du 14 juillet.
—tu vois, Bruno, mon gars Bruno, je crois que les idées, il vaut mieux les donner une seule à la fois, pour laisser aux gens le temps de s’y habituer. Parce que, en ce moment, je les sens légèrement à cran, les gens. Si tu sais pas quoi faire, tu peux relire les mémoires de Poulidor, je crois qu’ils vont les ressortir. »
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