14 juillet : rien

Vous connaissez la célèbre anecdote du journal intime de Louis XVI dans lequel il avait inscrit à la date du 14 juillet 1789 la simple mention : « rien ! » On a cru y voir la marque de la déconnexion du roi avec la réalité sociale du pays, alors qu’en réalité il y notait ses prises de chasse et en l’occurrence le fait qu’il n’avait eu aucun gibier ce jour-là. À supposer que Donald Trump tienne un journal intime, qu’a-t-il écrit à la date du 7 novembre dernier, jour de l’annonce officielle de sa défaite à l’élection présidentielle ?

Peut-être y aura-t-il indiqué son score sur le parcours de golf où il a passé sa journée, comme beaucoup d’autres auparavant, à pratiquer son activité favorite. On croit toujours que les hauts dirigeants sont débordés de travail, qu’ils n’ont pas une minute à eux, que leur vie est une succession d’obligations et d’astreintes, que ce sont des bourreaux de travail, etc. C’est peut-être vrai pour certains, mais pas pour Donald Trump. Il a toujours pris le temps de se détendre. Les journalistes américains ont calculé qu’il avait consacré une journée au golf tous les dix jours en moyenne. Évidemment, ça a coûté un peu de sous au contribuable. Fin 2019, la facture se montait déjà à 118 millions de dollars pour ses trois premières années. Une petite règle de trois aboutit à 160 millions de dollars pour les 4 ans de son premier et unique mandat. Une belle somme, qui n’est pas perdue pour tout le monde puisque le désormais futur ex-président tient à utiliser un des 19 parcours qu’il possède dans le monde, si bien que les frais d’hébergement de sa sécurité et de son staff sont facturés à la Maison-Blanche par son locataire actuel. Le montant exact est top-secret.

Mais je ne suis pas de ceux qui reprocheraient à Donald Trump de trop jouer au golf, même s’il y a consacré l’équivalent de 227 journées en 3 ans, au contraire. Plus il a joué, moins il a eu le temps de nuire. Un peu comme lorsqu’on suggère de confisquer ceinture et bretelles aux secouristes pour les empêcher de faire des dégâts pendant qu’ils tiennent leur pantalon. Je crois même que je n’aurais vu aucun inconvénient à ce qu’il demande l’asile politique aux Bahamas ou en Irlande pour se consacrer exclusivement à son hobby. Quand on pense à la grande perte pour la serrurerie que Louis XVI a occasionnée en n’abdiquant pas, on se dit que l’Amérique a peut-être perdu un champion de golf, qui aurait sûrement plus contribué au rayonnement de son pays sur les greens que dans le bureau ovale de la Maison-Blanche.