Sur-place

Parmi les nombreuses absurdités qui rendent les règles du confinement difficiles à comprendre, et par voie de conséquence presque impossibles à respecter, il y a cette obligation de ne pas s’éloigner de plus d’un kilomètre de chez soi pour une activité physique limitée à une heure quotidienne. Le calcul est vite réalisé. Même les moins sportifs d’entre nous imaginent qu’il est compliqué de courir à une vitesse de 1 km/h, ou même de marcher à cette vitesse, je ne vois guère qu’en rampant que l’on pourrait se tenir à cette allure, ce qui, vous le reconnaitrez, exige une tenue adaptée et un entraînement spécifique.

C’est sûrement pour cette raison que le « premier flic de France » n’a pas voulu pratiquer son exercice à proximité de son domicile, pour ne pas être aperçu dans une posture humiliante. Hélas, pour éviter le tourbillon de Charybde, le premier monstre marin qui gardait le détroit de Messine, le ministre de l’Intérieur est tombé sur le récif de Scylla, tout aussi dangereux, et a prêté le flanc à un soupçon toujours récurrent. Celui de ne pas se plier soi-même à la discipline que l’on exige des autres. Au lieu d’assumer son régime de faveur, qui s’exerce continûment, Gérald Darmanin a invoqué des raisons de sécurité dont personne ne peut être dupe. Chacun sait par exemple que les véhicules des ministres ne respectent pas les limitations de vitesse et les infractions constatées régulièrement ne sont jamais sanctionnées.

Pour éviter de ramper, deux possibilités. Soit on court à une vitesse normale et l’on en est réduit à tourner en rond comme un hamster dans sa cage, ce qui n’est guère épanouissant et ne permet pas de s’aérer la tête, ce qui est au moins aussi important que l’exercice physique proprement dit pour un ministre comme pour un simple pékin. Soit on fait du sur-place, comme le pratiquent de nombreux joggeurs en ville quand ils sont obligés d’attendre un feu pour traverser et qu’ils continuent à courir sans s’arrêter pour ne pas se refroidir. Concernant l’action du gouvernement en ce moment, la métaphore semble appropriée. Beaucoup d’agitation pour au mieux ne pas reculer, et donner l’illusion du mouvement dans une sorte de « Moon Walk » désespéré que n’aurait pas renié Mickaël Jackson en personne. J’en veux pour preuve la dernière bourde en date de Gabriel Attal, ci-devant porte-parole du gouvernement, annonçant prématurément un couvre-feu parisien hypothétique, sauvé sur le gong par Anne Hidalgo, feignant d’en avoir eu l’idée toute seule. On voit par-là combien l’exécutif est désemparé devant une situation sanitaire dont il ne maîtrise plus rien. Après le lapsus révélateur de Gabriel Attal, c’est le Premier ministre, Jean Castex, qui dévoilait malgré lui par son langage du corps le peu de considération qu’il a vis-à-vis des Français en brandissant à la télévision un doigt vengeur, communément appelé doigt d’honneur.