Le 23 septembre 2020

Ce sera peut-être la date que l’histoire retiendra comme le début de la fin du consensus autour du gouvernement dans la lutte contre le coronavirus. Jusque-là, les citoyens, tout en critiquant parfois violemment les décisions gouvernementales, ou en traînant les pieds pour appliquer des mesures coercitives, s’étaient montrés étonnamment disciplinés et coopératifs. Même le confinement total imposé à la population avait été accepté, bon gré mal gré, comme un mal nécessaire, et globalement bien respecté.

La bascule s’est faite insidieusement, au fur et à mesure que l’opinion s’est accoutumée à devoir « vivre avec le Covid », encouragée en cela par le président lui-même, au nom du retour à l’activité économique, fut-ce au détriment des exigences de santé publique. Les élus locaux, sentant le vent tourner dans la population, ont d’abord procédé à une surenchère dans les mesures de protection, en rajoutant sans arrêt dans les décisions de précaution, pour en faire toujours plus que le voisin et rival éventuel. Mais c’est désormais terminé. Le discours du ministre de la Santé mercredi dernier a franchi une limite invisible en pénalisant lourdement certaines villes par rapport à d’autres, ou en donnant l’impression de « punir » certains professionnels et une partie de la population en fermant partiellement ou totalement les cafés et les restaurants. Le divorce avec les élus est alors consommé, d’autant qu’ils ont été mis devant le fait accompli. Ils soutiendront leur population plutôt qu’un pouvoir toujours plus hautain et méprisant.

Et l’adhésion aux mesures de protection contre l’épidémie est un facteur plus que jamais indispensable pour espérer la contenir, et un jour, en venir à bout. À force d’incohérences et de fluctuations incompréhensibles, le gouvernement a fini par casser l’espèce de coquille protectrice d’une action commune dans l’intérêt des plus vulnérables au profit d’un chacun pour soi égoïste, dont la tribune de Nicolas Bedos est une illustration affligeante. En substance, le fils de Guy Bedos, qui aspire à une reconnaissance égale à celle de son père, encourage chacun à négliger les précautions les plus élémentaires, quitte à en mourir le cas échéant, afin de profiter de la vie. Je suis d’accord avec lui sur un point : s’il tombe malade, ce que je ne lui souhaite pas, je n’en serai pas affecté outre mesure. Par contre s’il décime par son comportement irresponsable toute sa famille qui n’a rien demandé, je lui en voudrai beaucoup. Et s’il réussit à convaincre toute une intelligentsia parisienne de faire de même, il aura sur ce qui lui reste de conscience une culpabilité évidente. Le 23 septembre 2020, en plus d’être le premier jour de l’automne, sera peut-être aussi rétrospectivement le premier jour du reste du quinquennat Macron. En paraphrasant Georges Brassens, je ne verserai pas une larme sur sa non-réélection éventuelle. Le 23 septembre, aujourd’hui, je m’en fous.