Sur tous les fronts

Y compris le défunt Front national, remplacé par le rassemblement national sans perdre une miette de son pouvoir de nuisance, dont le ministre de l’Intérieur reprend le terme d’ensauvagement, provoquant une crise ministérielle aussitôt démentie par le Premier ministre. Jean Castex affirme qu’il n’y a pas de polémique, malgré la critique frontale du garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti ou celle de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, qui se souvient brusquement avoir été progressiste dans une vie antérieure, tandis que Gérald Darmanin a reçu le soutien de sa ministre déléguée, Marlène Schiappa, qui, elle, ne se souvient visiblement de rien.

On se demande comment réagira l’ancienne secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes si la plainte visant Gérald Darmanin pour viol aboutit à une condamnation, l’autre plainte pour trafic d’influence en échange de faveurs sexuelles ayant été à nouveau classée sans suite, ce qui lui fait toujours une casserole de moins. Mais le ministre de l’Intérieur, qui vise à un destin similaire à celui de Nicolas Sarkozy, dont on ne peut pas dire que les habits seraient trop grands pour lui, puisqu’ils partagent la petite taille et les efforts pour paraître plus grands, excelle dans l’art de se faire des ennemis. Pour faire oublier l’impression désastreuse provoquée par la diffusion d’une vidéo dans laquelle des dealers lourdement armés et masqués faisaient une démonstration de force sous la bannière Mistral 38 évoquant un quartier sensible de Grenoble, il s’est engagé dans un bras de fer avec Éric Piolle, maire écologiste fraichement réélu, qui le soupçonnait fortement de se faire de la publicité sur le dos des habitants en roulant des mécaniques.

Le ridicule de la situation atteindra son paroxysme quand on s’apercevra qu’il s’agissait d’une mise en scène destinée à promouvoir un rappeur régional, qui peut se flatter d’avoir réussi son coup en trompant à la fois la Mairie et les autorités policières, jusqu’au sommet de la hiérarchie, et des instances politiques. Tout était faux. Les armes étaient en plastique et les paquets de drogue, de la farine. Ce qui n’a pas empêché le ministre de déclencher des opérations massives de police dans le quartier et de se livrer à une attaque en règle du maire écologiste, accusé de laxisme, dont la police municipale serait insuffisante et sous équipée en caméras de surveillance. Ce qui ouvre des perspectives intéressantes sur le type de société auquel aspire Gérald Darmanin. Une société de flicage permanent avec une milice armée pour arrêter les rappeurs de 16 ans un peu trop imaginatifs. Si lui s’y voit déjà, on se rappellera que le tout sécuritaire, s’il peut marcher un temps, a déjà été préempté par l’extrême droite.