Héloïse et Abélard (2)

La relation entre ces deux personnages de légende, fut bien sûr tumultueuse, mais surtout révolutionnaire dépassant largement l’amour courtois médiéval, beaucoup grâce à Héloïse voulant vivre un amour total.

Exceptionnellement cultivée, célèbre chansonnière jalousée par les femmes de Paris, Héloïse « invente » la correspondance amoureuse avec Abélard, et cherche à faire valoir un amour intellectuel et sexuel. Sa liaison avec Abélard sera donc autant charnelle que spirituelle.

Son mariage avec Abélard, en fait imposé par son tuteur Fulbert pour réparer la honte d’être devenue fille-mère, doit rester secret pour ne pas compromettre la carrière d’Abélard. Héloïse ne souhaitait pas ce mariage, d’abord parce qu’elle ne se trouvait pas digne de son époux, qu’elle ne voulait pas être une entrave à son destin, mais aussi parce qu’elle considère que le mariage équivaut à une prostitution de la femme reposant sur un intéressement matériel à une condition sociale et économique. Cela ne correspond pas à la place d’une femme amoureuse comme elle, elle voudrait rester « la douce amie », elle préférerait être concubine ou putain. Elle prône l’amour libre, affranchi des règles de la société et du mariage, c’est une révolutionnaire qui considère que l’amour c’est l’aliénation entre semblables, c’est une soumission volontaire assumant la différence des sexes chacun responsable de ses désirs !

Elle ne veut pas renoncer à une vie de femme libre, cet amour qui est une attache entre époux ne doit pas empêcher chacun de conduire sa vie professionnelle comme il l’entend.

Fulbert ne supportant pas son insoumission à l’ordre familial et sa subversion de la situation de mariage la bat régulièrement à chaque incartade. C’est pour se soustraire à ses sévices qu’elle retourne au couvent Sainte-Marie d’Argenteuil, le secret autour de son mariage l’empêchant de vivre avec son époux. C’est alors que Fulbert se sentant trahi cherche à l’atteindre en faisant émasculer Abélard, en l’accusant de mêler vie maritale et vie monastique, Héloïse est accusée d’être entretenue par Abélard grâce à ses revenus de chanoine, insultée comme une fille de joie.

Accablée de culpabilité, contre son gré, à la demande de son mari, elle prend le voile sans vocation pour la vie monastique. Cette prise de voile permettra à Abélard qui rentre dans les ordres à son tour (après s’être assuré qu’elle l’a bien fait elle-même) de reprendre sa carrière d’enseignant et de philosophe qui seule apparemment compte.

Héloïse s’est sacrifiée !

Morale de l’histoire, méfions-nous des vérités simplistes, car derrière ce mythe de l’amour impossible, on découvre à la fois les manœuvres politiques, les pressions religieuses, la position de dépendance des femmes, la difficulté pour elles d’affirmer leur droit à un amour libre détaché des conventions sociales et culturelles… et peut-être une fois de plus leur générosité et leur capacité de dépassement pour se mettre au service de leur amour !

Héloïse et Abélard ne pourraient-ils pas, hélas, être des amants contemporains ?

L’invitée du dimanche