Quelle indignité !

Dans l’esprit de Nicolas Sarkozy, c’était David Pujadas qui se montrait indigne de la qualité de journaliste du service public en ayant l’outrecuidance de lui poser une question sur le financement de sa campagne présidentielle de 2007 au cours du débat des primaires de la droite et du centre en 2016. Comme si l’obscène n’était pas le roi nu, mais celui qui osait le faire remarquer. En revoyant l’extrait de l’époque, on remarque que l’ancien président se garde bien de répondre à la question, sous le regard admiratif de ses deux principaux challengers, dont l’expression semble dire : « chapeau, l’artiste ! »

À bien y réfléchir cependant, le terme exact qu’aurait dû employer Nicolas Sarkozy me parait être celui d’infamie, à l’instar du Don Diègue de Pierre Corneille, car l’affaire du financement libyen de la campagne de 2007, mis au jour par le Monde et Médiapart sur la base de renseignements qui s’avèrent de plus en plus au fil du temps, pourrait bien finir par flétrir tous les supposés lauriers accumulés par « l’honorable » ancien président. Mais le choix du vocabulaire n’a jamais fait partie des qualités du rustre qui tente de cacher son inculture derrière les fiches de lecture préparées par ses conseillers. Comme un certain quadrumane chanté par Georges Brassens, il ne brille ni par le goût ni par l’esprit.

Les réactions à sa nouvelle garde à vue ont été, comment dire, mesurées, dans le petit monde politique, si l’on excepte Nadine Morano, qui s’est levée comme un seul homme pour défendre son Nico adoré. Elle est d’ailleurs effectivement toute seule en fait. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir raison de rappeler tous les non-lieux dont a bénéficié l’ex-chef de l’état : cinq selon son propre aveu, mais deux seulement après vérifications. Sans compter un autre non-lieu, contre lui cette fois, après sa plainte pour faux à l’encontre de Médiapart qui avait publié un document prouvant le financement libyen de sa campagne. Cette garde à vue a suscité un unanimisme prudent de la classe politique, qui n’a jamais tant rappelé la présomption d’innocence et souhaité que « la justice fasse son travail ». Qui pourrait demander le contraire ? On souligne à droite la lenteur de l’instruction, qui tarderait volontairement pour harceler un homme jalousé pour sa réussite. Il y a un précédent. Celui de Jacques Chirac condamné en novembre 2010 à deux ans avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris pour des faits remontant à la période 1990-1994. Quant aux non-lieux, il faut rappeler que le célèbre Alphonse Capone n’a jamais été condamné pour les nombreux crimes et délits qui lui ont été imputés, mais qu’il est tombé pour une banale affaire de fraude fiscale.