Retour vers le passé

Retour vers le passé ? Tu es sûr, chroniqueur matutinal ? tu dois vouloir dire retour vers le futur, en employant un oxymore devenu d’une banalité telle qu’il n’étonne plus personne. Non, il s’agit bien de revenir à un passé qui n’avait jamais vraiment disparu dans un domaine que chacun s’accorde à définir comme un secteur clé, celui de l’école et de l’éducation. Car le chantre de la modernité qui se trouve à la tête de l’état ne s’est pas trompé en choisissant Jean-Michel Blanquer comme ministre de l’Éducation.

Il n’était qu’à voir la tête de sa prédécesseuse, euh, de sa prédécétrice, enfin de Najat Vallaud-Belkacem à l’annonce de sa nomination pour comprendre que l’on n’allait pas être déçus du personnage. Et en effet, depuis sa prise de fonction le ministre s’est attaché à détricoter l’ouvrage des quinquennats précédents, comme il est devenu de tradition. Avec Monsieur Blanquer, effet rétro garanti. Dernier avatar du défenseur des valeurs traditionnelles, la réhabilitation du redoublement. Ah ! voilà une idée qu’elle est novatrice ! ça fait des décennies que l’on s’efforce de privilégier la réussite scolaire pour éviter le décrochage et la kyrielle d’effets néfastes de l’échec. Le pire, c’est que l’on sait faire, mais qu’on n’a jamais vraiment mis les moyens nécessaires. Au moment où les mentalités, à la fois des parents et des enseignants, commencent à s’habituer à l’idée, Jean-Michel Blanquer réintroduit une pratique qui a démontré son inefficacité. Son précédent fait d’armes avait été de laisser le choix aux communes de conserver la semaine de quatre jours et demi, ou de revenir à quatre jours, ce qui conduit les municipalités à se baser sur des critères économiques, dans lesquels l’intérêt des enfants devient purement secondaire.

Ce qui est amusant, ou désespérant, c’est selon, c’est que Monsieur Blanquer, comme tout ministre de l’éducation, semble redécouvrir l’Amérique à sa prise de fonction. Lui aussi définit ses grandes priorités pour l’école : savoir lire, écrire, et compter. Quelle audace ! quel visionnaire ! il était temps que l’on se recentre sur les fondamentaux, comme on dit toujours. Monsieur Blanquer connaît très bien les enfants, car, comme moi, il a été un enfant lui-même, ce qui nous donne une connaissance du sujet « de l’intérieur » et nous attribue une compétence et une légitimité incontestables. C’est pourquoi nous pensons que la pédagogie pourvoit à tout, et qu’il n’est nul besoin de demander à l’école de compenser les inégalités sociales. Il lui suffit de les reproduire, avec juste assez d’exceptions pour confirmer la règle de la méritocratie républicaine. J’attends avec intérêt les prochaines idées lumineuses du ministre pour retrouver l’école des origines, celle de Jules Ferry, bien suffisante pour relever les défis du 21e siècle.