Pandore

Depuis les révélations sur les turpitudes du producteur américain, Harvey Weinstein, les langues n’arrêtent pas de se délier. Le nombre de victimes de ce sinistre personnage ne cesse d’augmenter et des voix s’élèvent pour reconnaitre, comme Jane Fonda ou Quentin Tarentino, qu’ils regrettent leur silence sur des agissements qui étaient de notoriété publique. On a dépassé depuis longtemps le seul cas de ce prédateur sexuel particulièrement odieux et cynique, dont la seule justification se limite à se considérer comme un malade, une excuse bien faible et peu crédible.

Tout se passe comme si les violences faites aux femmes, jusque-là enfermées dans une sorte de boîte de Pandore, en étaient sorties définitivement pour ne plus pouvoir y être à nouveau cadenassées. Sur les réseaux sociaux, des sujets fleurissent, invitant à dénoncer ce genre d’agissements comme le hashtag #balance ton porc, ou #moi aussi, qui recueillent de nombreux témoignages. L’affaire Weinstein a agi comme un détonateur et a permis de libérer une parole jusqu’ici marginalisée. Dans ce sens, c’est une excellente chose, bien que les vieux réflexes d’une société machiste par essence n’ont pas complètement disparu. L’actrice Asia Argento, parmi les premières à avoir dénoncé les violences sexuelles du producteur à son encontre, a subi les attaques d’une partie de la presse italienne. Sans surprise, un éditorialiste d’un quotidien de droite l’accuse de complaisance et de s’être prostituée pour bénéficier d’une « promotion canapé ». Dans la légende grecque, Pandore, la première femme humaine, était parée de tous les attributs de la grâce et de la beauté, mais avait aussi été dotée par les Dieux de l’art du mensonge, de la séduction et d’un caractère perfide. Elle se montrera incapable de résister à sa curiosité et ouvrira la fameuse boîte où se trouvaient concentrés tous les maux qui allaient frapper l’humanité. Il reste encore du chemin pour tordre le cou aux vieux clichés qui inversent les rôles entre les bourreaux et les victimes.

Ce qui est nouveau, c’est que les personnes harcelées ne sont pas des anonymes, mais des célébrités, ce qui rend subitement leur parole plus crédible et leur histoire plus importante. Il faut espérer que cette sensibilisation du public gagnera la plus large audience et contribuera à changer les mentalités. Une nouvelle affaire, touchant un juré de l’émission « la France a un incroyable talent » qui aurait abusé de certaines candidates mineures, a un retentissement beaucoup plus important. J’en veux pour preuve le fait que Gilbert Rozon avait déjà été mis en cause à deux reprises dans des affaires d’agression sexuelle, en 1994 puis en 1998. Il avait alors plaidé coupable et avait bénéficié d’un classement sans suite. On ose espérer que cette époque est définitivement révolue.