Je ne l’ai pas vu, mais j’en ai entendu causer

J’avoue. Ayant eu quelques autres chats à fouetter ces derniers temps, je n’ai pas prêté une grande attention à la tenue d’une émission politique présentée comme importante qui devait se dérouler hier soir sur l’antenne de France 2. Elle était supposée opposer le célèbre insoumis Jean-Luc Mélenchon, celui qui a été à deux doigts de devenir président de la République, comme Al Gore, volé de sa victoire au profit de Georges Dabeulyou Bush, de sinistre mémoire, et réduit au rôle de documentariste au service de la planète, à un parfait inconnu.

Oui, selon nos informations, le Premier ministre s’appellerait, sous réserve de confirmation, Édouard Philippe. Avec une incertitude pour identifier le prénom et le nom de famille. Selon notre tradition, inverse de celle de la Corée du Nord, le nom de baptême précède le patronyme, donc le supposé Premier ministre doit se prénommer Édouard. Une information à manier cependant avec précaution, quand on sait que 38 % des Français sont incapables de citer sans erreur l’identité du chef du gouvernement. Jusqu’à Léa Salamé, chargée d’arbitrer le débat, qui n’y retrouvait plus ses petits, en introduisant le leader de la France insoumise sous le nom d’Édouard Mélenchon, nous gratifiant ainsi d’un superbe lapsus, tellement révélateur que l’on a l’impression qu’il a été fabriqué volontairement, comme un rêve intentionnel à l’usage de son psychanalyste. Et effectivement, celui qui se présente comme chef du gouvernement et chef de la majorité, rien de moins, avait trouvé là une occasion inespérée de se faire connaître, en profitant de la notoriété du candidat malheureux à l’élection présidentielle. De son côté, Jean-Luc Mélenchon peut ainsi se gargariser du titre de meilleur ennemi du pouvoir en place.

Ces adversaires se sont donc choisis mutuellement, et si j’en crois la presse spécialisée, le duel s’est déroulé à fleurets mouchetés, entre gens de bonne compagnie, ce qui n’était pas sans rappeler le thème du fameux « souper », un film tiré d’une pièce imaginant une rencontre entre Fouché et Talleyrand, rediffusé cette semaine à la télévision. Les deux personnages y font assaut d’amabilités vachardes, maniant tour à tour la flatterie et la menace sans jamais élever la voix, tandis que le peuple manifeste au pied du château. Ces deux-là sont du même monde, même si l’un en a toujours fait partie alors que l’autre y est entré par effraction. Ils apprécient les mêmes mets délicats et finiront par s’entendre dans leur intérêt commun. On peut espérer que Mélenchon ne suive pas un aussi funeste destin et ne sacrifie pas l’idéal révolutionnaire sur l’autel du pragmatisme.

Commentaires  

#2 Isabelle 13-10-2017 10:08
Ah, Claude Rich! Sa voix suave et ses sourires subtils!...
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#1 jacotte 86 29-09-2017 11:42
je ne l'ai pas vu non plus, mais si je comprends bien, aucun des deux n'avait besoin de la grande fourchette nécessaire quand on dine avec le diable... on serait plutôt dans le genre copains comme cochon voulant se partager le gâteau.
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