L’idiot utile

Il faut vraiment en tenir une sacrée couche, comme on dit vulgairement, pour aller faire le coup de poing sur une personnalité politique, une femme de surcroit, sous prétexte que l’on serait en désaccord avec ses idées. Tout ce que l’on sait de l’agresseur de Laurianne Rossi sur le marché de Bagneux hier, c’est ce qu’elle en dit elle-même. Un homme d‘une cinquantaine d’années, pas particulièrement agressif au départ, et mécontent de la politique du gouvernement actuel que soutient la députée de la République en marche.

Si l’objectif de ce monsieur était de faire prévaloir son point de vue et mettre en lumière les défauts de la majorité actuelle, qui serait composée de « godillots », et ceux de la presse, trop favorable envers Emmanuel Macron, il peut se vanter d’avoir totalement raté son coup. Il peut même revendiquer d’avoir donné un sérieux coup de main à ceux qu’il considère comme ses adversaires. Qui pourrait soutenir une démarche violente comme celle-ci dans la classe politique ? Évidemment personne. Même les opposants les plus résolus à la nouvelle majorité y sont allés de leur petit couplet pour dénoncer un débordement inadmissible. Des Insoumis au Front national, en passant par toutes les nuances de l’échiquier politique, les condamnations ont été unanimes. Et si vous voulez le savoir, contraint et forcé, je joindrai ma voix à ce concert improvisé. Avec un soupçon de réserve toutefois, tant la mariée me semble trop belle.

Du haut en bas de l’état, le pouvoir ne s’est pas privé de sauter sur l’occasion pour se parer de la vertu républicaine injustement attaquée, en dénonçant à coups de tweets rageurs une violence inqualifiable. On peut dire que cette agression tombe à pic au moment où le mouvement semble battre un peu de l’aile dans l’opinion et où Président et Premier ministre voient leur cote s’effriter. Rien de tel qu’un petit martyre pour redorer un blason défraichi. De ce point de vue, Laurianne Rossi est la candidate idéale pour devenir le symbole de la bonne foi outragée. Femme, donc, et jeune, à peine 33 ans, elle était cadre dynamique à la SNCF avant son élection. Elle a fait un passage éclair au PS, tendance DSK, avant de rejoindre Macron, être élue députée et occuper un des postes les plus prestigieux de l’Assemblée, celui de questeur. Elle coche donc toutes les cases pour être promise au plus bel avenir. À condition que son mouvement s’installe dans la durée. Le fait qu’elle ait été injustement molestée par un imbécile ne suffit pas à valider toutes les options du programme présidentiel, celles que l’on connait déjà et qui ont de quoi inquiéter les Français restés lucides, et celles qu’il risque de tirer de son chapeau, au gré des aléas de la vie politique.