Populiste

Décidément, les mots n’ont pas le même sens quand ils se prononcent de part et d’autre de l’Atlantique. Chez nous, en France, et dans la plupart des pays européens, se faire traiter de populiste est au minimum une critique sévère et au pire une grave insulte susceptible de vous conduire devant les tribunaux pour diffamation. Aux États-Unis, c’est un titre de gloire pour le candidat fraichement investi par la convention républicaine, et c’est une qualité qui lui est reconnue par la plus grande partie de l’électorat. Vous ne pouvez pas faire davantage plaisir à Donald Trump que le qualifier de candidat populiste.

Dans l’esprit de ses supporters, être populiste signifie se soucier du peuple, à défaut de lui appartenir. On ne peut pas dire que la qualité de milliardaire, une autre valeur sûre aux yeux des Américains, prédispose particulièrement à être proche du peuple et à comprendre ses préoccupations, et pourtant Donald Trump prétend représenter la classe moyenne contre une Hilary Clinton présentée comme hautaine et porte-parole d’une élite coupée des réalités et des vicissitudes de la vie quotidienne. Difficile, voire impossible, de savoir ce que prône le candidat républicain pour améliorer le quotidien de son électorat potentiel, tant il est capable de soutenir tout et son contraire, ce en quoi il mérite effectivement le qualificatif de populiste, au sens français du terme. Il se dégage cependant une certaine ligne de ses différents discours, dont on ne sait pas si elle est totalement voulue. Il s’adresse au peuple, oui, mais pas n’importe lequel. Un peuple blanc, suprématiste, qui a le sentiment d’être déclassé et supplanté par l’arrivée de nouveaux immigrés, venus prendre les bonnes places et profiter de la couverture sociale. Un discours que ne désavouerait pas le Front national chez nous.

À côté de ça, je reste sidéré de l’entendre défendre la place des homosexuels dans la société américaine, sans toutefois aller jusqu’à envisager le mariage entre personnes du même sexe. L’idée qu’un personnage aussi imprévisible puisse devenir le chef de la première puissance mondiale, n’est plus aussi saugrenue qu’elle apparaissait au départ, et c’est quand même très inquiétant dans un monde où les équilibres géostratégiques sont très fragiles et où le terrorisme gagne du terrain chaque jour. Malgré toutes ses outrances, celui qui se présente comme le candidat hors du système, fédère les mécontents, séduit les adeptes du parler cru, qu’il confond avec le parler-vrai, et semble prêt à toutes les démagogies pour remporter l’élection de novembre. On frémit en pensant que le sort de la planète pourrait dépendre d’un personnage aussi lunatique.