Des orfèvres en la matière

Qui donc ? Mais les policiers de la brigade de recherche et d’intervention du 36 sur le quai du même nom, qui sont accusés de viol en réunion par une touriste canadienne en 2014 et qui font l’objet d’un non-lieu général de la juge d’instruction chargée de l’affaire. Comme il arrive très souvent dans les affaires de viol, au bout du compte, c’est parole contre parole et la partie n’est pas égale entre la victime, déstabilisée et mise en état d’infériorité, et les auteurs supposés, qui bénéficient d’une présomption d’innocence accrue par leur fonction et leur assermentation.

Selon les deux policiers mis en examen, les relations sexuelles étaient consenties. À supposer qu’ils disent vrai, le choix du lieu parait pour le moins curieux et témoigne d’un mélange des genres qui laisse songeur. En poursuivant dans cette logique, la Canadienne devrait s’estimer heureuse d’avoir été violée dans un pays qui se dit civilisé. En effet, des affaires similaires se sont déroulées au Moyen-Orient, et les victimes ont été convaincues d’adultère et sévèrement sanctionnées pour ces faits. Ça a été le cas en 2016 pour cette Néerlandaise de 22 ans, condamnée au Qatar à un an de prison avec sursis et une amende, pour s’être « prostituée », selon son agresseur. Avant elle, en 2013, une Norvégienne de 24 ans a été condamnée aux Émirats arabes unis à 16 mois de prison alors qu’elle portait plainte pour viol contre son patron. En 2008, dans ce même pays, c’est une Australienne de 29 ans qui a passé 8 mois en prison après une plainte pour viol, sous le prétexte d’être coupable d’adultère et de consommation d’alcool.

La même année, c’est une fillette de 13 ans qui a été lapidée à mort par 50 hommes sur une place publique en Somalie alors qu’elle avait été violée par trois hommes, en application de la charia, cette « justice » islamique qui condamne les relations hors mariage, que la victime soit ou non consentante. De tels faits soulèvent naturellement notre indignation, mais sommes-nous vraiment bien placés pour faire la morale aux autres pays, quand nous sommes incapables d’instruire un procès équitable pour des faits aussi graves ? Il ne s’agit pas de préjuger l’affaire, mais de l’examiner sérieusement et de dire le droit. La qualité de policier, si elle ne doit pas amener de suspicion généralisée, ne peut pas protéger systématiquement de toute poursuite. La moindre des choses est de permettre à la victime présumée de faire entendre sa voix et d’écouter la défense des personnes mises en cause. Tout espoir n’est cependant pas perdu, le parquet ayant fait appel de la décision.