De la théorie à la pratique
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 8 février 2024 10:42
- Écrit par Claude Séné
En matière de politique et de fonctionnement des institutions, il y a autant d’espace de la théorie à la pratique qu’il y en a entre la coupe et les lèvres. Selon la Constitution, le gouvernement est nommé par le président de la République, sur proposition du Premier ministre, et les futurs ministres sont supposés attendre patiemment que le téléphone veuille bien sonner pour leur proposer un maroquin. En général, il s’agit d’une proposition du genre de celles qu’on ne peut pas refuser. Sauf quand on s’appelle François Bayrou, qui est tellement imbu de sa personne qu’il n’envisage pas de participer à un gouvernement autrement qu’à ses propres conditions.
C’est donc lui qui a vendu la mèche en faisant savoir qu’il avait été sollicité pour prendre le poste de ministre des armées, alors que le titulaire n’a pas semblé vouloir démissionner, et avait même figuré sur la « liste courte » des premiers ministrables avant la nomination de Gabriel Attal. François Bayrou se serait bien vu revenir à l’éducation nationale, ou à la tête d’un ministère taillé sur mesure pour combler le fossé entre la province et la capitale. Sa relaxe devant le tribunal correctionnel semble lui être montée à la tête, alors qu’elle n’a rien de glorieux, et il pense que le président lui doit une compensation pour les années passées à ronger son frein hors du gouvernement. Il s’estime en position de force et voudrait monnayer les voix des députés Modem en échange de 6 postes ministériels contre 4 dans le gouvernement précédent. « Il est dur en affaire », aurait déclaré un conseiller gouvernemental. Le résultat le plus évident pour l’instant c’est que le président du Modem restera camper sur son Aventin, sans que ce retrait émeuve grand monde.
Une fois cette décision annoncée, le Modem n’aura guère d’autre choix que de continuer à soutenir un gouvernement qui n’arrive même pas à exister, les nominations étant sans cesse remises au lendemain, sauf à déclarer une sécession qui conduirait presque mécaniquement à une dissolution de l’Assemblée nationale, dont toutes les formations, à l’exception du Rassemblement national, auraient beaucoup à craindre. D’autant plus que l’image donnée par François Bayrou de marchandage avec l’Élysée n’est pas de nature à redorer le blason de la classe politique dans son ensemble. Voilà qui va amener de l’eau au moulin de ceux qui estiment que les professionnels de la politique cherchent avant tout à conserver les avantages attachés à leur fonction, plutôt que la défense des idéaux au nom desquels ils se sont fait élire. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, a-t-on coutume de dire, et le Président lui-même ne respecte pas toujours sa parole, lui qui avait déclaré solennellement que le vote qui l’avait reconduit au pouvoir « l’obligeait ». On attend toujours à quoi.