L’homme qui murmurait à l’oreille du Président
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 6 février 2024 10:13
- Écrit par Claude Séné
En France, on ne commente pas une décision de justice, même quand elle touche des personnes publiques qui font profession de mener les affaires du pays et se doivent de faire preuve d’exemplarité. Je n’aurais donc pas émis le moindre avis sur la relaxe de François Bayrou à l’issue de son procès en correctionnelle, s’il n’avait pas lui-même mis le sujet sur la table, en déclarant que son innocence avait été reconnue. On peut comprendre le soulagement de l’homme politique de ne pas avoir été condamné dans ce procès où étaient jugées 8 personnalités du Modem, ainsi que ce parti en tant que personne morale et son prédécesseur, l’UDF.
François Bayrou peut se féliciter de cette relaxe, prononcée par défaut, faute de preuves suffisantes, mais il force un peu le trait sur son honneur retrouvé. Tout d’abord parce que le parquet peut faire appel de cette décision plutôt clémente en ce qui le concerne, alors que les autres accusés ont pour la plupart été condamnés à des peines d’amende ou même de prison avec sursis, y compris un ancien ministre de la Justice. Le juge a même considéré qu’il était probable que François Bayrou ait eu connaissance de ces faits de détournement d’argent public lié au travail de certains assistants de députés européens pour le compte de l’UDF puis du Modem. Son soulagement peut aussi être relativisé par le soutien embarrassant qu’il reçoit du Rassemblement national. Le RN considère en effet que le « système » tente de déconsidérer toute personne indépendante susceptible de le gêner. En clair, il faut se souvenir que Marine Le Pen et son parti seront eux aussi jugés prochainement pour des faits similaires.
Là où François Bayrou peut s’estimer lésé, ce n’est pas par la justice, mais du fait du Prince, qui a changé de doctrine. En 2017, François Bayrou a été poussé à la démission de son poste de Garde des Sceaux, contrairement à Éric Dupont-Moretti par la suite. Il a été enfermé dans un placard doré de Haut-commissaire au plan, et pendant 7 ans de solitude, a dû regarder passer les trains sans pouvoir les prendre, notamment celui de Gabriel Attal, qu’il briguait en vain. Grâce à cette relaxe providentielle, le voilà de nouveau dans la course aux postes de pouvoir. Il est notamment beaucoup question de son possible retour à l’éducation nationale, plus de 20 ans après, où il n’a pourtant pas laissé un souvenir impérissable. Même s’il ne faut jamais insulter l’avenir, il est peu probable que l’éternel troisième homme des élections présidentielles puisse retrouver le destin national que certains lui prêtaient parfois. Il devra élever le ton s’il veut se faire entendre d’un Emmanuel Macron, qui a eu besoin de lui pour lui servir de marchepied vers la présidence, mais qui n’écoute plus guère que lui-même désormais.