Le coût du lapin
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 1 février 2024 10:45
- Écrit par Claude Séné
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre, Gabriel Attal, a brassé beaucoup d’air et s’est attaqué à de nombreux moulins à vent, dont la liste serait trop longue pour être abordée ici. Il a notamment stigmatisé les patients qui prennent des rendez-vous médicaux et qui ne les honorent pas, sans même prendre la peine de prévenir les praticiens, au risque de prendre une place qui fera défaut à un autre bénéficiaire. Ce n’est pas la première fois que ce sujet est évoqué, et notamment, ce sont les sénateurs, majoritairement à droite de l’échiquier politique, qui ont proposé l’instauration d’une « taxe lapin » qui s’appliquerait aux patients indélicats.
Une fois que l’on a fait ce constat, il y aurait 27 millions de rendez-vous non honorés par an, un chiffre en augmentation constante, il reste le plus difficile, déterminer des modalités par lesquelles faire payer au patient tout ou partie de la consultation manquée. Je ne connais guère qu’une spécialité dans laquelle le patient accepte par avance de devoir s’acquitter, même s’il ne vient pas, d’un paiement symbolique (qui ne veut pas dire minime, mais qui coûte à celui qui y consent) et c’est la psychanalyse. On se souvient de la fameuse citation de Woody Allen, qui déclarait : « Je me serais bien suicidé, mais j’étais en analyse avec un freudien et il aurait été capable de me faire payer les séances que j’aurais manquées ». Qui devra prendre l’initiative de signaler les poseurs de lapin ? Comment sera prélevée la contribution si elle est adoptée ? Est-ce que taper au portefeuille est une vraie solution pour diminuer cette pratique peu respectueuse du temps des médecins ? Est-ce que ces lapins ne seraient pas des arbres qui cachent la forêt ?
Nous savons, et Gabriel Attal ne peut l’ignorer, que la médecine de ville, comme l’hospitalière, est gravement sinistrée par manque de personnel du fait d’un recrutement notoirement insuffisant depuis trop longtemps. Le syndicat de médecins MG estime que les besoins de consultation seraient de 300 millions d’actes par an alors que les praticiens ne peuvent en assurer que 250 millions. Tous ceux ou presque qui essaient de trouver un médecin traitant en ce moment, se heurtent à la même réponse, qui est que le docteur ne peut plus prendre de nouveaux patients. Les déserts médicaux ont tendance à s’étendre, et les futurs médecins ne sont opérationnels qu’au bout d’une bonne dizaine d’années. La Santé, comme l’Éducation, devrait être au premier rang des priorités de l’état, et l’on a la nette impression que les grandes oreilles de lapin que l’on agite pour détourner l’attention des vrais problèmes font office de diversion pour rejeter les responsabilités sur les victimes de l’incurie des gouvernants. Si vous êtes pauvre et malade, c’est de votre faute.
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