L’arme du crime

Un jeune Marseillais a été victime d’un arrêt cardiaque dans la nuit de samedi à dimanche dernier, alors qu’il se rendait au domicile de sa mère en scooter. Cette crise aurait été provoquée par un choc au thorax, semblant provenir d’un tir policier de flash-ball à l’aide d’un lanceur de balles de défense. Il ne semble pas que la victime ait participé directement ou indirectement aux émeutes, mais il avait filmé une intervention policière qu’il a partagée avec ses proches. Le parquet a ouvert une information judiciaire pour « coups mortels avec usage ou menace d’une arme ».

C’est sur cette base fragile que les médias ont rendu compte de ce qui pourrait être une nouvelle bavure policière, après le tir mortel qui a coûté la vie de Nahel lors d’un contrôle routier à Nanterre, provoquant l’embrasement des quartiers sensibles dans toute la France. Il manque en effet un élément de preuve concluant, ce que les Américains appellent un « smoking gun », l’arme du crime encore fumante, établissant avec certitude la responsabilité d’un meurtrier dans la mort de sa victime. Cette preuve manquante, qui va devenir indispensable dans toute investigation criminelle, c’est la vidéo. Personne n’a vu, à part éventuellement des collègues du tireur, quiconque faire usage d’un LBD en direction d’une victime potentielle, et encore moins ne peut en produire la moindre image. Reste que des unités susceptibles de faire usage de ces armes étaient présentes exceptionnellement sur le terrain pour assurer le maintien de l’ordre en renfort des troupes « régulières » : le Raid, les CRS, ou la Bac. L’autopsie, ainsi que les observations pratiquées lors de son hospitalisation, suggère que le jeune homme aurait été touché en pleine poitrine par un tir de LBD 40. On sait pourtant que l’usage de cette arme potentiellement létale est prohibé au-dessus de la ceinture, en raison des risques encourus.

Cette information a bien été relayée par les chaînes d’information continue dès le samedi 1er juillet sous forme d’un bandeau déroulant, mais n’a pas été reprise immédiatement par la grande presse nationale, alors qu’il s’agit peut-être d’un évènement majeur, s’il est confirmé par l’enquête. Bizarrement, le fait que le profil de Mohammed, livreur de 27 ans, marié, sans histoire, inconnu des services de police et de justice, plaide pour sa non-implication dans les émeutes qui se sont déroulées à Marseille cette nuit-là, semble utilisé pour dédouaner a priori les forces de l’ordre, qui n’auraient donc eu aucune raison de lui tirer dessus, comme si de telles erreurs n’intervenaient jamais. Ce sera néanmoins difficile à prouver, en l’absence de témoignage, ou de vidéo. Ce qui ne semble pas douteux, c’est l’origine de l’enfoncement thoracique par un projectile dangereux à distance réduite. Une raison supplémentaire de retirer sans délai cette arme de l’arsenal des engins réputés non létaux et de réserver son usage à des situations strictement réglementées et en dernier recours.