Car on ne saurait tout savoir

Vous le savez, j’aime à rapprocher des faits d’actualités qui ne semblent pas liés de prime abord. C’est probablement en frottant des silex que l’on a découvert le feu. Rien de commun à première vue entre le crash de l’A320 dans les Alpes de Haute-Provence et les abus sexuels commis par un enseignant dans une commune de l’Isère, si ce n’est une défaillance dans la chaine de contrôle qui aurait dû théoriquement rendre ce genre de faits impossible. Rappelons les éléments connus à ce jour dans les deux affaires.

Le copilote suspecté d’avoir écrasé volontairement son appareil avec 150 personnes à bord avait été soigné pour dépression et aurait caché ce fait à la compagnie qui l’a engagé. Au moment du vol, il n’aurait pas dû être au travail, car il était censé être en arrêt de maladie. De son côté, l’enseignant qui a reconnu des agressions sexuelles sur des élèves de 6 ans avait été condamné en 2008 pour possession d’images pédopornographiques et n’aurait jamais dû être admis à reprendre un travail auprès de jeunes enfants. C’est à la faveur d’une reprise après une mise en disponibilité que son dossier est passé entre les mailles du filet qui aurait dû le contrôler.

Chacun de ces deux hommes connaissait sa faiblesse et n’a pu se résoudre à la seule solution raisonnable en renonçant à son activité professionnelle tant que sa santé mentale ne lui permettait pas de l’exercer dans de bonnes conditions. Le pilote était apparemment traité par des antidépresseurs, ce qui est difficilement compatible avec son travail. Peut-être ne prenait-il pas son traitement pour pouvoir continuer à voler. L’enseignant avait été condamné avec sursis, mais avait reçu une injonction de soins, qu’il n’a pas suivie, ou qui n’a pas été efficace. Quand la maladie est le meilleur ennemi de sa victime, il est difficile de compter sur sa seule volonté pour assurer la réussite du traitement. Nous ne sommes pas très loin des comportements addictifs où le premier et plus grand obstacle à la guérison est le patient lui-même.

De toute évidence, pour se prémunir contre ce genre de risque, il n’est d’autre moyen que de renforcer les sélections pour exercer des métiers aussi sensibles, qui nécessitent une solidité mentale au-dessus de la moyenne. Ne nous faisons cependant pas trop d’illusions, dans ce domaine comme dans d’autres, le risque zéro n’existe pas.