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Porté pâle
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 30 novembre 2018 10:34
- Écrit par Claude Séné
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Entre autres réputations, le Français est souvent soupçonné d’une tendance naturelle à tirer au flanc, et pas seulement dans un contexte militaire, dont l’expression « se faire porter pâle » semble directement issue. En plus d’être râleur, le Gaulois décrié par le président de la République serait un fainéant, prêt à saisir la moindre occasion pour éviter de se rendre au travail, une mauvaise habitude héritée de la tradition néfaste de l’école buissonnière. Pour appuyer cette thèse, le gouvernement bénéficie de la publication ma foi très opportune d’un rapport établi par l’Institut Sapiens qui chiffre à près de 108 milliards par an le coût de l’absentéisme au travail.
Un coût « caché » selon les auteurs, qui ont compilé les frais directs engendrés par l’absence des salariés concernés et les frais induits sur le fonctionnement des entreprises. Pour l’Institut Sapiens, qui ne cache pas ses sympathies libérales, l’objectif est très clairement de désigner des boucs émissaires et de faire planer la suspicion sur la réalité des maladies et autres facteurs d’absentéisme. Il ne manque pas de souligner la différence entre secteur public et privé, en attribuant implicitement le nombre supérieur d’arrêts maladie à la sécurité de l’emploi accordée aux fonctionnaires. La rage étant ainsi démasquée, il ne reste plus qu’à noyer le chien. C’est ce que s’applique à organiser le pouvoir, qui a lancé des pistes telles que le télétravail, ou la prise en charge des arrêts courts par les entreprises. Pourtant, des voix discordantes soulignent la responsabilité du management dans cette situation. Le manque de dialogue social dans certaines entreprises favoriserait l’apparition de troubles psychologiques, voire psychosomatiques, et l’inadaptation de certains postes de travail serait responsable de maladies professionnelles telles que les troubles musculosquelettiques.
Une autre étude, commandée par une mutuelle, Malakoff Médéric pour la citer, indique que dans un cas sur quatre, le salarié renonce à tout ou partie du congé qui lui a été prescrit, ce qui est énorme. À cela plusieurs explications. Beaucoup des cadres notamment sont rétribués en fonction des objectifs qui leur ont été assignés, et leur absence compromettrait directement leur rémunération. D’autres peuvent avoir un sens du devoir ou le goût du travail bien fait particulièrement développé. Certains vont jusqu’à se déclarer en RTT pour ne pas apparaître comme malades. C’est ce qu’un spécialiste appelle « la capacité sacrificielle ». Il s’agit de démontrer à la direction jusqu’où le salarié pousse le dévouement à l’entreprise, ce qui finit toujours par payer quand il s’agit d’obtenir une promotion ou d’échapper à la charrette des licenciements. Le monde du travail a beaucoup changé depuis l’avènement de la révolution industrielle au milieu du 19e siècle, mais il reste trop souvent un lieu de torture morale ou physique que suggère son étymologie.