Fini de sourire
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 12 août 2018 09:40
- Écrit par L'invitée du dimanche
Après les héroïnes de Molière, un petit tour d’horizon vers les autres héroïnes du théâtre classique du 17e, celles qui sont souvent les pièces maîtresses du théâtre racinien et cornélien.
Pour commencer, avec Racine, c’est le théâtre de la pensée intérieure, les personnages ne se connaissent que dans leur passion, au milieu des intrigues psychologiques, évoluant dans des situations compliquées, les passions s’aggravent dans des circonstances incroyables, qui rendent l’amour illicite, déclenchent des chantages féroces, au milieu de duels fratricides, de pères jaloux, de filles égorgées, d’enfants incestueux, très largement inspirés des personnages du théâtre grec que Racine revisite à sa façon.
Ses pièces sont construites autour de la tragédie de l’irrémédiable, dans des circonstances qui conduisent irrémédiablement à la mort, et qui réunissent toutes les forces de l’être pour les projeter dans le malheur. On est loin de l’univers de la comédie.
Les héros de prédilection de Racine sont des femmes, car ce sont des êtres où la chair a le plus d’emprise sur l’âme, et qui ressentent les sentiments jusqu’à leur paroxysme. Les femmes l’emportent sur les héros en ardeur, en sensualité, en amoralité, en courage meurtrier aussi bien qu’en lucidité. Leurs intransigeances font du théâtre de Racine un théâtre féminin.
Je commencerai par « Andromaque », écrite en 1667, dont l’argument peut se résumer ainsi :
Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector qui est mort !
Andromaque, épouse exemplaire fidèle jusqu’après la mort, qui connaît l’humiliation comme prisonnière de Pyrrhus, est une victime des malheurs de la guerre, sa vie est endeuillée par la mort de son père, de ses frères, de son mari, et la menace du meurtre de son fils. C’est un personnage enfermé dans le dilemme de protéger son fils en épousant Pyrrhus et pour cela être infidèle à Hector. Son refus condamnerait l’héritier de Troie.
C’est une tacticienne, capable d’implorer son bourreau Hermione, en flattant sa magnanimité, en faisant appel à sa générosité et à sa noblesse pour maîtriser la mécanique tragique dont elle est le personnage central. Ainsi, certes elle épousera Pyrrhus puisqu’il promet de sauver Astyanax, mais elle se tuera ensuite pour rester fidèle à Hector. Sa décision, guidée par le sens de la loyauté et son amour maternel, conduira Hermione, jalouse et humiliée d’être délaissée, à convaincre Oreste, qui sombrera dans la folie, de tuer Pyrrhus, en finissant par se suicider elle-même.
Avec son sens du sacrifice, son refus du compromis elle est le seul personnage à triompher. Elle doit sa victoire à son opiniâtreté, à sa fidélité sans faille à son époux comme à sa patrie en laquelle elle a toujours cru au point de tout faire pour sauver son héritier qu’elle entoure de son amour maternel. Autant d’aspects qui méritent sans doute pour Racine qu’elle échappe à l’issue fatale des tragédies à laquelle n’ont pas échappé les autres protagonistes : la mort.
Je vous avais prévenus, fini de sourire !!!!
L’invitée du dimanche