Trois pour le prix d’une !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 22 juillet 2018 10:00
- Écrit par L'invitée du dimanche
Quatre si vous êtes sages !
Dix ans plus tard, avec « les Femmes Savantes » (elles sont trop allées à l’école !) Molière semble avoir abandonné son soutien à l’émancipation féminine, nous offrant une pièce énigmatique… à travers les personnages de Philaminte, d’Armande et de Bélise, on pourrait penser qu’il regrette l’ampleur du désir de l’accès à la connaissance des femmes, il faut peut-être y regarder de plus près.
Philaminte, femme de Chrysale, mère d’Armande et d’Henriette, belle-sœur de Bélise, est le personnage féminin qui domine la pièce.
C’est une femme intelligente, autoritaire, qui domine son mari et régente toute la maison même si elle le fait en dépit du bon sens. Férue de sciences et de poésie, ses prétentions au savoir engendrent aveuglement et ridicule. Désireuse de singer les vraies savantes, elle se laisse impressionner et manipuler par le pédantisme de Trissotin qui sait comment la flatter.
Elle influence fortement sa fille aînée Armande, qui, imaginative, se nourrit de rêve, méprise son père, tout autant qu’elle méprise la matière, soucieuse de ne se donner tout entière qu’à l’esprit. Elle refuse le mariage, ne voulant pas avoir « un idole d’époux et des marmots d’enfants ». Elle connaîtra la jalousie et l’humiliation, le prétendant qu’elle a refusé tombe amoureux de sa sœur qui l’aime en retour !
Bélise, parente pauvre, est une vieille fille romanesque, influençable, qui rejoint les Femmes Savantes faute de pouvoir se construire une place bien à elle. Elle répète des notions élémentaires fraîchement acquises sans rien y comprendre…
Ces trois héroïnes, pour Molière, pourraient incarner un féminisme « intégriste ». Elles parlent de tout, n’ont que des rudiments de savoir, sont coupables de dispersion intellectuelle, manifestent un mépris des affaires domestiques au profit de leurs ambitions, font preuve d’un pédantisme et d’une préciosité excessifs.
Au-delà de ce regard féroce, peut-être sont-elles soucieuses d’imposer leur décision et leur loi, moins par curiosité intellectuelle que pour s’affirmer et venger leur sexe des injures masculines. Car là encore, Molière soutient, par le dédain de mariage qu’elles expriment, leur rébellion contre l’asservissement insupportable à un mari, asservissement qui choque leur esprit d’indépendance autant que leur sentiment de supériorité.
Illustrant que la connaissance peut être une arme à double tranchant, il souhaite que les femmes, tout en ayant accès au savoir, sachent garder une certaine modestie, restant dans le camp du bon sens et de la modération et non pas dans celui de la déraison et de l’excès.
Comme dans « Les précieuses ridicules », « Les Femmes Savantes » sont l’arbre qui cache la forêt ! Elles servent à illustrer une satire sociale féroce des pédants et pédantes.
Avec Henriette (la quatrième promise) deuxième fille de Philaminte, spontanée, intelligente, dont le bon sens prime sur les prétentions, et qu’une vie simple avec un mari, des enfants, un ménage, n’effraie pas, Molière exprime sa tendresse réelle pour la gent féminine, et il redonne son estime à Philaminte qui saura ouvrir les yeux sur ses erreurs commises sous la passion.
L’invitée du dimanche