Divorce à la française
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 20 novembre 2017 10:14
- Écrit par Claude Séné
Je ne suis pas plus capable de choisir entre Charlie hebdo et Médiapart qu’un enfant à qui l’on demande s’il préfère son père ou sa mère. Je me contente de constater, impuissant, que ces deux-là s’écharpent à qui mieux mieux, alors qu’ils sont d’accord sur des sujets essentiels, comme la dénonciation des injustices, la critique du libéralisme outrancier ou les atteintes à la démocratie. C’est d’autant plus navrant de les voir s’attaquer mutuellement, alors qu’ils devraient réserver leurs coups à leurs véritables ennemis, qui jubilent en comptant les points.
Je dois reconnaître qu’il n’est pas facile de s’y retrouver dans cette guéguerre de chapelles à la gauche de la gauche. Quand on en arrive à consacrer la une de Charlie à caricaturer le directeur de Médiapart, comparé à un collabo appelant au meurtre, on est en droit de penser qu’une certaine limite a été franchie. D’un côté, Edwy Plénel taxe le journal satirique d’islamophobie, du fait de ses fréquentes attaques contre les religions en général et l’Islam en particulier, de l’autre Riss dénonce la complaisance de Médiapart à l’égard du prédicateur vedette Tariq Ramadan, mis en cause dans une affaire d’abus sexuel. Comme si les choses n’allaient pas suffisamment mal, Manuel Valls, en mal de notoriété, a cru bon de jeter de l’huile sur le feu en en remettant une couche sur la question de la laïcité, alors que personne ne lui demandait son avis.
Derrière cette question se cache un débat récurrent, celui de l’islamogauchisme, réel ou supposé, d’une partie de la gauche militante. Le conflit israélo-palestinien reste en toile de fond de ces positions. Ce n’est pas parce que l’on soutient les revendications légitimes des Palestiniens à disposer d’un état que l’on doit absoudre les actes et les positions islamistes sur tous les sujets, à plus forte raison le terrorisme, inexcusable quand il s’en prend aveuglément à des victimes civiles. La dénonciation de la politique menée par les Israéliens ne doit pas non plus conduire à de l’antisémitisme, malgré l’instrumentalisation qui en est faite par les dirigeants. L’illustration de cette dérive est apportée par l’attitude du Parti des Indigènes de la République, soutenu par certains Insoumis, qui défend clairement des positions antisémites tout en se prétendant constitué en opposition au racisme. À rapprocher également du vrai-faux tweet de Gérard Filoche, mettant en scène Emmanuel Macron sur fond de nazisme et de collusion américano-israélienne, dont on ne veut retenir que le caractère antisémite. Au moment où la gauche classique est en miettes, où le mouvement de la France Insoumise peine à transformer l’essai de la présidentielle, nous n’avions pas besoin de cette chicane fratricide mobilisant des énergies qui seraient plus utiles ailleurs.